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Stratégie
A) Une stratégie commune plutôt que des stratégies isolées
Les constructeurs chinois ont-ils une stratégie commune ?
Tout naturellement, les constructeurs chinois devraient se livrer à une guerre sans merci. Pourtant, peu ou prou, tous sont liés à un intérêt commun bien compris. Certes chaque constructeur a sa stratégie mais, centralisation politique oblige, leurs orientations sont adossées à une stratégie globale, une planification préétablie. A cet égard, le Ministère chinois du Commerce et la Commission d’Etat pour le Développement et la Réforme joue un rôle croissant dans la mise en place d’une démarche commune et solidaire entre constructeurs. Non seulement le Ministère définit un cadre d’actions mais il oriente certains choix. En somme, il intervient tel un conglomérat d’intérêt public. Chaque année, les maires des villes hébergeant des constructeurs chinois sont reçus à Beijing. La réunion peut paraître académique mais il ne faut pas s’y tromper. Après un tour d’horizon sur l’évolution des productions de chacun, les autorités fixent un plan de route.
Quel est l’apport du gouvernement chinois dans la mise en place d’une stratégie commune entre constructeurs ?
Fort de son rôle, le Ministère chinois du Commerce et la Commission d’Etat a sélectionné huit bases d’exportation d’automobiles afin de standardiser le marché national de l’automobile et des pièces détachées et de faciliter l’innovation technique. Situées dans les villes de Changchun, de Shanghai, de Tianjin, de Wuhan, de Chongqing, de Xiamen, de Wuhu et de Taizhou, ces plateformes joueront un rôle important dans l’optimisation de l’exportation d’automobiles, dans la protection des droits de la propriété intellectuelle et dans le renforcement de l’innovation industrielle. Qui plus est, cette même autorité a encouragé la signature d’un accord entre la Société d’assurance-crédit et d’assurance à l’exportation de Chine et 17 constructeurs sur une durée de 15 ans afin de les protéger de tout risque concernant le taux de change flottant ou des changements politiques à l’étranger. Dans le même temps, avec ces mêmes constructeurs d’automobiles, a été signé un accord avec la Société nationale chinoise de transports maritimes visant à faciliter le transport des automobiles exportées. Tous ces accords témoignent de la forte implication du pouvoir central auprès des constructeurs automobiles.
B) Modèle d’entreprise
Le modèle entrepreneurial chinois favorise-t-il une expansion du secteur automobile ?
Le modèle entrepreneurial chinois fonctionne autour d’un triptyque : autoritarisme, paternalisme et émancipation. Les deux premiers sont connus mais le dernier mérite attention. Si dans le secteur du bâtiment, la pratique est courante, en milieu automobile, sa fonctionnalité est double : en encourageant chaque employé à créer son entreprise, c’est faire de lui un vecteur de développement de l’entreprise mère ! Même si son cadre de travail est contraignant, cadre, ingénieur ou technicien peuvent croire à un avenir prometteur. La plupart du temps, c’est l’entreprise mère qui oriente ses meilleures recrues vers les niches d’activité de son développement futur. A cet égard, mention doit être faite de l’objectif recherché de disposer d’un réseau de concessionnaire mondialisé. De surcroît, s’y adosse un système d’aides financières avantageux, immédiatement mobilisables. Désormais patron, l’ex-employé contribue toujours à la vitalité de son entreprise d’origine.
Comment la sous-traitance en Chine contribue-t-elle à terme à des positions dominantes ?
Nullement confiné aux seuls marchés d’un client, le sous-traitant chinois se redéploye en permanence, toujours sur le qui-vive, à l’affût du moindre négoce. Parfois le sous-traitant peut signer plusieurs contrats à la fois, bien au-delà de ses réelles capacités. Rien n’altère sa soif d’entreprendre ! Courroie de transmission des Guangxi, le sous-traitant joue les intérêts croisés. Pris isolément, ils ne représentent pas grand-chose mais tous rassemblés, ils s’insinuent dans un rapport de force qui parfois les dépasse. Au Ministère chinois du Commerce et la Commission d’Etat pour le Développement et la Réforme, revient toujours la même question : quel pourcentage nos sous traitants fabriquent-ils de tels produits ? Plus le pourcentage est élevé, plus le pouvoir central en tirera le meilleur parti, directement ou indirectement ! C’est le cas, notamment, des lighters dont beaucoup sont fabriqués à Wenzhou. En position dominante, les chinois pourront alors jouer le rapport de force et in fine, dicter leurs conditions.
C) Marchés d’encerclement
Comment les voitures chinoises sont-elles déjà présentes sur les marchés des pays du sud ?
Lors du salon de Francfort, devant les stands des voitures chinoises, les occidentaux se rassuraient à bon compte en proclamant que les chinois seraient mal avisés de se lancer dans l’aventure périlleuse de l’exportation alors qu’ils doivent d’abord répondre à une immense demande interne. L’argument a aussitôt été balayé par Li Shufu, Président de Geely Motors. S’étant fixé l’audacieux plan de produire 650.000 voitures en 2007, ce dernier entend en exporter les deux tiers. Selon lui, les marges à l’export sont plus importantes et le gouvernement encourage cette démarche. Les autres constructeurs chinois pourraient lui emboîter le pas. D’ores et déjà, les voitures chinoises s’exportent, notamment au Moyen Orient et en Afrique: 50.000 en 2004, 80.000 en 2005, 120.000 en 2006. Selon des études réalisées en Syrie, le potentiel de demande va bien au-delà de ces chiffres. Avec une voiture clef en mains, 5.000 dollars à l’achat, la demande s’adresse à la classe moyenne dont une large partie ne dispose pas de voitures individuelles. Après Damas, le Caire, d’autres pays encore. En 2003, avec l’ouverture d’une chaîne de construction en Iran, Chery devient le premier constructeur automobile chinois à faire fabriquer ses véhicules à l’étranger.
Cette orientation n’est pas indifférente à un calcul politique. Pour l’Institut Chinois d’Etude des Relations Internationales Contemporaines, les européens mesurent mal les dégâts collatéraux suscités par une politique migratoire toujours plus restrictive. Selon eux, le renforcement des conditions d’entrée sur le territoire européen favorise « objectivement » l’émancipation des réseaux de distribution, notamment, dans les pays du Maghreb et d’Afrique noire. Alors qu’ils souhaitaient se rendre en France pour un salon², beaucoup de professionnels de ces pays ont été déboutés dans leur demande de visa. Déçus, ils disent leur intention de collaborer avec d’autres pays. En exemple, le témoignage d’un concessionnaire marocain : « Avant j’avais quelque hésitation. Maintenant, je suis prêt à accueillir à bras ouverts les chinois. » L’opération s’avère in fine juteuse, des voitures moins chères avec des décotes de 20 à 30 % par rapport aux modèles occidentaux. En Afrique noire, les voitures chinoises sont attendues avec impatience. Une voiture à faible prix répond à la demande d’une clientèle peu argentée. De surcroît, les récentes restrictions apportées à l’importation de la voiture d’occasion en provenance de l’Union Européenne dans certains pays imposent des solutions alternatives. La fiabilité supposée aléatoire des moteurs des voitures chinoises n’indispose pas les professionnels africains. « Nous avons l’habitude de remettre à plat les moteurs, déclare un réparateur à Dakar, nous le faisions avec les voitures usagées achetées en Europe. Nous le ferons pareillement avec les chinoises. » Une Chery à 300.000 francs CFA (3000 euros) ? Rien d’impossible ! Dans beaucoup de pays, la priorité n’est pas le moteur mais le prix. Mais la démarche de contournement pourrait aller beaucoup plus loin en raison, notamment, des négociations engagées par des constructeurs chinois en vue de la création d’unités d’assemblage non seulement en Roumanie mais également à Oran (Algérie), Oujda (Maroc), tous projets destinés à des commercialisations sur le marché européen.
En quoi la déferlante de migrants chinois dans les pays émergents favorise-t-elle les constructeurs automobiles de l’empire du Milieu ?
Malgré sa richesse toujours croissante, la future première puissance du monde favorise la migration de ses populations vers les pays du sud alors même que ceux-ci offrent des conditions de vie plus austères que celles existantes en Chine. Le propos est étonnant : il ferait mieux vivre à Bamako ou Kinshasa qu’à Shanghai ! Déjà expérimentée avec succès dans le sud est asiatique, la présence de populations chinoises dans ces pays concourt au développement et au renforcement de l’économie chinoise. Qui sont ces migrants ? Beaucoup sont dépêchés sur place dans le cadre de grands travaux gagnés par les entreprises chinoises au titre de la construction d’infrastructures et d’équipements (ports, aéroports, stades, des routes, etc.). Une fois les travaux finis, les ouvriers chinois sont encouragés à rester sur place afin de devenir à terme la courroie de transmission des intérêts chinois. Beaucoup se verraient bien en agent ou représentant de constructeurs automobiles chinois, ce que certains font déjà au Gabon et au Zimbabwe.
Exemple I, l’Algérie
Le groupe ACT-Algérie a lancé la commercialisation de voitures de fabrication chinoise avec des moteurs « japonais » de la gamme « Suzuki » sur le marché algérien à des prix concurrentiels ne dépassant pas les 450 mille dinars. Le produit commercialisé en Algérie répond aux normes en vigueur. Deux voitures sont proposées. La première est la gamme « City 800 CC », à un prix estimé à 449 mille dinars, équipé d’un moteur de l’entreprise japonaise « Suzuki », avec tous ses accessoires. La deuxième gamme est la « City Sport 1100 CC », dont l’acheteur bénéficierait des accessoires supplémentaires, à savoir le système « ABS », avec deux ans de garantie et la possibilité de bénéficier d’un crédit bancaire de la part de cinq banques agréées.
Exemple II, le Gabon
Un homme d’affaires chinois a ouvert en juin 2005, la première société de vente de véhicules de fabrication chinoise baptisée, Société Gabonaise d’Importation de Véhicules (SOGIV). La SOGIV est implantée, à Libreville, dans la zone industrielle d’Oloumi. « Si, à ce jour, le marché automobile gabonais est dominé par les véhicules japonais et français, déclare l’homme d’affaires, les marques chinoises devraient rapidement conquérir une part non négligeable du marché, 35 % à l’horizon 2009. » Selon ce dernier, « les voitures chinoises n’ont rien à envier à leurs concurrentes japonaises et européennes, mais surtout elles sont beaucoup moins chères ! » Il ajoute : « Si le Gabonais peut se payer une berline à 5 millions de FCFA, pourquoi irait-il investir le double au minimum dans un modèle équivalent fabriqué en France ou en Allemagne ? » Mais l’homme d’affaires chinois devrait se méfier, un Libanais est déjà sur la place. Dans le cadre d’échanges de bon procédés, ce dernier a offert 144 voitures Made in China à l’actuel chef de l’Etat gabonais, Omar Bongo Ondimba.