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Enjeux politiques
La guerre de l’homologation aura-t-elle lieu ?
Si d’aventure les constructeurs automobiles chinois souhaitent conquérir les marchés européens, la barrière de l’homologation saurait les en décourager ou, du moins, retarder la venue de leurs véhicules. L’argument est connu : la législation de l’union est sourcilleuse, les chinois devront s’y plier ! Jamais ils ne pourront commercialiser des voitures dont la conformité technique ne s’accorderait pas aux normes européennes ! Ce pronostic paraît crédible tant les étapes techniques à franchir pour obtenir les certificats de conformité s’apparentent à une course d’obstacle. Au début des années soixante dix, les voitures japonaises ont patienté longtemps avant de recevoir le sésame d’entrée sur le marché européen. L’introduction de voitures chinoises sur le marché européen ne serait-elle donc pas acquise à courte échéance ? De fait, voici un an, les tests d’impact menés par l’ADAC, l’automobile club allemand, sur le 4×4 Landwind (version chinoise de l’Opel Frontera/Isuz) n’ont pas été favorables. Selon l’ADAC, le Landwind présente un niveau technologique équivalent à celui des voitures européennes en circulation voici 30 ans. De surcroît, elle ne répondrait pas aux normes de sécurité en matière de protection de l’environnement, des passagers et des piétons. Pour autant, cette notation n’a pas retardé l’importation du Landwind, désormais commercialisé en Europe. Le verrou de l’homologation n’a pas vraiment fonctionné, ce qui pourrait être aussi le cas pour d’autres modèles chinois.
Pour cause, la barrière de l’homologation ne saurait souffrir de la realpolitik. Comme le proclame un officiel chinois : « La difficulté d’obtenir les homologations en Europe doit être rapprochée des autorisations données aux constructeurs européens en Chine. » La Chine étant obligée de supprimer d’ici fin 2006 les tarifs douaniers sur les importations automobiles, conformément aux engagements pris lors de son adhésion à l’OMC en 2001, elle demande un accès intégral à ses produits sur le marché européen. Ainsi posé, le principe des vases communicants apporte un éclairage sur la stratégie chinoise. Nullement spécifique au secteur automobile, elle concerne tous les domaines économiques, c’est un aspect du sacro-saint win-win, refrain souvent entendu en Chine. « Nous concédons des parts de marché aux constructeurs européens en Chine, poursuit l’interlocuteur chinois, nous leur demandons « part égale » sur le marché européen. » Les constructeurs européens s’offusquent d’un tel argument. Comment des marques durablement installées peuvent-elles être comparées à des fabricants émergents, de surcroît, suspectés de manque de fiabilité technique ? En outre, les constructeurs européens ont payé le prix fort pour accéder au marché chinois. Beaucoup ont consenti des investissements colossaux pour séduire les autorités chinoises et obtenir l’autorisation de s’implanter dans l’Empire du Milieu avec à la clé la promesse de débouchés phénoménaux qui compenseraient la rigueur des conditions juridiques et financières dictées par les autorités locales. Comment admettre que l’on puisse adjoindre une donnée exterieure ? Seulement voilà les intérêts particuliers des constructeurs européens se heurtent à une stratégie politique globale dessinée depuis Beijing. Comme elle s’y exerce dans d’autres secteurs, Beijing dicte la marche à suivre dans le cadre d’une planification pré-établie. Pour les autorités chinoises, marché intérieur et extérieur sont inextricablement liés. En d’autres termes, si les européens lorgnent des parts de marché en Chine, ils devront ouvrir mécaniquement les portes du leur aux constructeurs chinois. Comme par ailleurs la Chine est appelée à devenir, à brève échéance, le premier marché mondial de véhicules, le rapport de force lui est favorable. Quel constructeur européen prendra le risque de déplaire aux chinois ? Dès lors, la barrière de l’homologation ne devrait pas longtemps tenir, prenant plutôt l’allure d’un exercice formel.
Est-il possible de refreiner les violations à la propriété intellectuelle ?
Inutile d’être un spécialiste pour constater que beaucoup de voitures chinoises ressemblent à s’y méprendre à des modèles européens ! Des exemples… partenaire de Citroën, Geely Motors propose et distribue un dérivé de la Citroën ZX, la Maple Hisoon. La 4X4 Landwind ressemble à deux gouttes d’eau à l’Opel Frontera, etc. Les procédures qui pourraient être engagées contre ces impardonnables imitateurs ne sont pas simples. Tout d’abord parce que le constructeur chinois incriminé est souvent partenaire du constructeur occidental. Ensuite, une démarche énergique d’un constructeur lésé pourrait déplaire aux sous traitants, généralement redevables de leurs réseaux. Comme chacun sait, engager une procédure juridique en Chine est un exercice hasardeux, l’instruire devant une cour européenne l’est tout autant compte tenu de l’intérêt bien compris de chacun. Seule une injonction dans le cadre de l’OMC pourrait peut-être freiner un phénomène, par certains aspects, irrémédiable.
Comment les constructeurs chinois tirent-ils parti de l’expérience acquise par les nationaux employés par les firmes occidentales ?
En Chine, chaque entreprise occidentale a son double. A quelque encablure de son lieu de production, une unité chinoise se crée. Au départ, cela ressemble à un entrepôt à l’organisation brouillonne. Peu à peu, l’encadrement se précise, les chaînes se déploient, l’usine prend forme, bientôt rivalise. Pendant la journée, l’ingénieur travaille pour son employeur officiel. Le soir ou en fin de semaine, il muscle l’entreprise chinoise. Tour à tour, il informe, assure des formations, parfois dessine des plans. Collaborant dans un cadre informel, il contribue à la mise au point du process. Chères aux entreprises occidentales, les traditionnelles clauses de confidentialité n’affectent pas la structuration de l’entreprise chinoise en réseau. Ancré dans l’histoire millénaire de la Chine, ayant survécu aux traumatismes de la révolution culturelle, le guanxi, c’est le nerf de la guerre! Tout chinois doit y répondre ! Du coup, la capacité technologique des constructeurs chinois s’en trouve renforcée. Dès lors, les cartes se brouillent, l’on ne sait plus qui travaille pour qui ? Partenaire industriel de Ford, Jiangling produit et distribue en parallèle sa propre gamme de modèles dont beaucoup inspirés du précédent (Opel Frontera). Même scénario chez Zhonghua, la Brilliance (moteur Mitsubishi) est un aimable succédané des modèles Série 3 et 5 BMW dont elle est associée dans le cadre d’une joint venture.
Comment la rivalité sino-japonaise s’invite-t-elle dans le dossier ?
La Chine et le Japon ont un lourd contentieux historique. Pourtant le Japon se place en seconde position dans les échanges industriels et commerciaux. Dans le domaine de l’industrie automobile, ce phénomène est encore plus accentué. Non seulement les majors Japonaises disposent d’installations industrielles en Chine mais beaucoup de constructeurs chinois utilisent des moteurs de fabrication japonaise. Dès lors, ces derniers seraient-ils prisonniers du savoir faire et de l’infrastructure industrielle japonaise ? L’extrême boulimie chinoise n’est pas indifférente à l’idée d’apporter une réponse à cette question ! L’orgueil national passe par les voitures !