La valeur du dollar dépend de la Chine
Posté par ITgium le 30 avril 2009
Résumé
La dramatique situation financière des Etats Unis pourrait-elle déboucher sur une forte dépréciation du dollar ? Le billet vert pourrait-il être remis en cause dans son rôle de monnaie de réserve mondiale ? Le recentrage de la stratégie chinoise pourrait confirmer ce processus.
L’inextricable situation des finances américaines
Pour l’exercice 2010, le gouvernement des Etats Unis américain a présenté un budget de 3 552 milliards de dollars reposant sur un déficit record de 1 750 milliards de dollars en 2009 (12,3 % du PIB, cinq fois le budget annuel de la France). Au déficit budgétaire de 2009, s’ajouteront les déficits de 2010 et 2011, chacun autour de 1000 milliards de dollars. Pour cette période triennale, le besoin en financement approcherait 3 000 milliards de dollars.
Pour pallier à ce déficit, le gouvernement table, d’une part, sur une réduction des dépenses publiques dès 10 % et, d’autre part, sur le recouvrement de 67 % des sommes consacrées aux divers plans de sauvetage.
Cette analyse est optimiste au regard des besoins de refinancement des établissements financiers et d’assurance dont nul, à ce jour, n’est en mesure d’en préciser l’exact montant.
Une chose est sûre, les sommes allouées au sauvetage des banques ne sont pas illimitées. Jour après jour, celles-ci sont sollicitées. Par exemple, début mars, 30 milliards ont été prélevés pour réabonder les comptes de l’assureur American International Group (AIG) dont les résultats trimestriels faisaient état d’une perte de 61,7 milliards de dollars, 465 421 dollars chaque minute.
A ce rythme, l’enveloppe financière se tarira vite. Que fera t-on alors ? Lancer de nouveau un plan ? Creuser davantage le déficit ? Est-ce seulement possible ? La politique de la planche à billets ne risque-t-elle pas de s’enrayer ?
Tout dépend du maintien de la signature des Etats Unis et de sa capacité à refinancer ses déficits en recourant à l’endettement extérieur. L’apparence ne doit pas faire illusion. La résistance actuelle du dollar face à l’euro est liée à la liquidation par les investisseurs américains de leurs positions sur les marchés financiers internationaux. Mais demain, tout dépendra de l‘attitude de la Chine, premier créancier des Etats Unis.
Les chinois continueront-ils à acheter des bons du Trésor des Etats Unis ?
« Il s’agit d’un investissement sûr, les Etats-Unis ont une réputation financière bien méritée » a déclaré Mme Clinton lors de son séjour en Chine. Presque une imploration, un cri de détresse.
Selon une argumentation connue, la Chine doit acheter des bons du Trésor américains ne serait-ce que pour protéger la valeur des avoirs qu’elle détient déjà en dollars. Devançant le Japon, la Chine est le premier créancier mondial des États-Unis. Au 1er mars 2009, elle détenait 712 milliards de dollars de bons du Trésor (selon les statistiques américaines). Si la Chine suspend l’achat de bons du Trésor, la valeur de ses avoirs libellés en dollars baissera fortement affectant par ricochet sa situation économique. Le deuxième argument consiste à dire que rien ne serait pire qu’une dépréciation du dollar, le yuan se réévaluant d’autant condamnant ainsi les exportations chinoises.
Question : même si la Chine souhaite s’accomplir, le peut-elle réellement ?
Forte de réserves de change considérables 2.000 milliards de dollars (20 % du PIB), en théorie, la Chine disposerait des moyens de poursuivre l’acquisition de bons du Trésor des Etats Unis.
Seulement voilà, un simple calcul suggère le doute.
Elle même aux prises avec la crise, la Chine doit d’abord répondre du propre déficit de son budget. Même s’il apparaît anecdotique, 750 milliards de yuan ($109 Md) en 2009 contre 570 milliards yuan ($83 Md) en 2008, ces sommes devront être couvertes. S’ajoutent le montant du plan de relance de 580 milliards de dollars annoncé en novembre 2008 lui même arrimé au plan de soutien à l’économie de plus de 1400 milliards de dollars (un tiers du PIB) présenté à l’occasion de la session annuelle du Parlement, le 5 mars. Or celui-ci est indispensable pour maintenir la paix sociale, notamment, avec la création d’une véritable Sécurité sociale. En somme, la manne de 2000 milliards – auxquels s’ajoutent les surplus annuels – trouve déjà à s’employer en Chine. De surcroît, la dégradation économique a été si rapide que certains officiels chinois estiment qu’il faudra envisager d’autres plans de relance. Dès lors la marge de manoeuvre pourrait se réduire en peau de chagrin et entamer la capacité de la Chine à répondre à la demande américaine.
Enjeu politique
Dans l’ombre, des responsables chinois s’interrogent. Un sentiment amer s’est fait jour en raison des pertes colossales enregistrées par des sociétés américaines dont les chinois avaient souscrit des parts tel le fonds Blackstone. Echaudés par leurs investissements aux Etats unis, les chinois s’interrogent sur la capacité des autorités américaines à contrôler la situation. De surcroît, le billet vert étant désormais assorti d’une rémunération nulle, l’intérêt d’en acheter ne s’impose pas. Mieux vaut alors faire le deuil de tout ou partie des avoirs déposés aux Etats Unis plutôt que de persévérer dans une voie sans issue, proclament certains (China Daily, mercredi 17 décembre).
Recentrage géopolitique
En arrière fond du débat, se profile l’affirmation d’une ligne orthodoxe en Chine à l’accent plus nationaliste. Depuis deux ans, celle-ci s’est renforcée en raison d’un agacement croissant concernant les critiques occidentales sur les droits de l’homme. La crise ne fournit-elle pas l’occasion de procéder à un agiornamiento de sa politique ? Pourquoi ne pas constituer un bloc avec des pays aux économies plus saines, moins regardant sur la question des Droits de l’homme ? A cet égard, la visite officielle du Président Chinois en Arabie Saoudite en février dernier témoigne d’un activisme diplomatique sans précédent. Egalement confrontés par la dévalorisation de leurs avoirs aux Etats Unis, les pays du Golf explorent une autre piste. Qui plus est, la relance de la croissance chinoise promet un réajustement du prix des matières premières. Fort de 70 % des avoirs financiers mondiaux, un bloc structurant allant de Riyad à Pékin est une réponse logique à la crise.
Quelle issue ?
Dans ce contexte, le succès réunion du G20 est aléatoire. Le recentrage de la politique chinoise pourrait décevoir l’attente des Occidentaux en quête de liquidités. La conséquence pourrait être un effondrement de la demande chinoise lors des adjudications d’emprunts d’Etat américains laquelle aboutirait de facto à une chute du dollar augmenté d’une flambée des taux d’intérêt à long terme aux Etats-Unis. Dans le sillage, une remontée du cours des matières premières et l’hyperinflation. Nous entrerons alors dans le deuxième chapitre de la crise : la domination du monde asiatique.
Publié dans Monnaie, le Yuan | Commentaires fermés