La face cachée de la Chine
Sur le départ vers Beijing, j’ai acheté ce livre dont le titre me semblait honorer l’histoire par cinq fois millénaire de la Chine. J’avais hâte de m’instruire, de prendre de la hauteur. Mal m’en a pris, je me suis trouvé plongé dans une fable peu avenante. Les auteurs du livre, Jean Marc et Yidir Plantade, soufflent dans la braise.
La Chine d’aujourd’hui, s’emportent-ils, c’est l’enfer pour tous ceux qui s’y aventurent. Suit une liste à la Prévert d’entreprises françaises tour à tour dépouillées, volées, arnaquées et qui n’y peuvent rien ne disposant d’aucun recours.
L’attitude peu scrupuleuse du gouvernement chinois qui ne respecterait à peu près rien est aussi pointée du doigt. S’ajoutent des épithètes qui font de l’homme chinois le plus scabreux omnidé que le monde ait jamais connu. Diable ! Il compose avec d’indubitables déflagrations mentales : menteur ou voleur, de surcroît, trop cher. Mon voisin dans l’avion, un jeune commercial portant fièrement le drapeau d’une petite PME du Jura, me succédant dans la lecture de l’ouvrage, m’a demandé comment il pouvait rentrer à Paris le plus vite possible, « sain et sauf », a-t-il précisé. Le brûlot fonctionne à merveille !
Reprenant mon souffle, je me suis demandé où résidait l’erreur. La famille Plantade serait-elle commanditée par quelque élégant cercle ? Non point, ils avancent honnêtement. D’emblée, ils conviennent d’un postulat, partagé par beaucoup : l’on va en Chine pour s’enrichir. L’on y va comme naguère l’on s’en allait aux colonies, sûr du gain, du double gain. Il suffit d’y délester quelque argent pour remporter le pactole.
Cette attitude n’est évidemment pas du goût des chinois qui se souviennent des traités scélérats, de l’abaissement de leur nation. Ces mêmes contrats dont les occidentaux entendent toujours leur faire choux gras. Gare ! Les chinois n’ont pas l’intention de rester l’atelier du monde, ils entendent bien produire de la valeur ajoutée. Aussi n’est-il pas étonnant qu’ils copient tout ce qu’ils voient comme les occidentaux s’y accomplirent naguère. Ils le font non pas selon une sorte de supercherie mais pour devenir l’égal de l’autre.
« Nous admirons la Chine parce qu’elle leur tient tête ! » s’exclamait un Sénégalais. « Les occidentaux pointent la corruption, les méthodes, les réseaux en sous main, ces mêmes occidentaux qui n’ont rien à redire dès lors que l’opération est avantageuse comme elle l’a souvent été en Afrique ! »
Si votre aventure chinoise est dictée par une volonté de s’enrichir sine die, vous en prendrez alors pour votre garde. Si, en revanche, vous commencez d’un autre pied : aimer. Aimer la Chine, les Chinois, en vous donnant du temps alors la ronde sera plus simple, le cheminement plus rapide, l’équilibre des comptes mieux assuré.
Bien sûr, se compteront élus et perdants, comme partout ailleurs, ni plus ni moins ! Bouffi de ses certitudes cartésiennes, l’homme d’affaires occidental souffre en Chine mais pourquoi ne tire-t-il pas mieux parti de l’immense richesse du bouddhisme ambiant ?
Se fondant élastiquement dans la nature, l’homme naît et renaît de ses cendres autant qu’il le veut. Aucune fatalité, aucun désespoir, tout et toujours possible. N’est-ce pas là un heureux message qu’une France par trop pâle gagnerait à méditer ? D’un chinois, vous ne vous en ferez jamais un ami, rapportent Jean Marc et Yidir Plantade. Je puis les assurer du contraire, j’ai des amis chinois et mes affaires prospèrent en Chine.