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Economie
L’entreprise chinoise mondialisée et l’emploi
Marionnaud, CCF, Thomson ou Rover, l’entreprenariat chinois est déjà dans nos murs.
Dans les prochaines années, le rythme des implantations chinoises en Europe devrait s’accélérait.
Avec les délocalisations, l’arrivée des entreprises chinoise ne risque-t-il pas de renforcer les peurs, notamment, celles se rapportant à l’emploi ?
Un retour historique s’impose.
Bras productif d’une idéologie politique, longtemps en Chine, l’entreprise n’avait pas d’identité en propre. Nullement aiguillonnée par des études de marché, dépourvue de règles comptables claires, jamais rentable, indifférente à l’idée du profit, elle administrait un objectif plutôt qu’elle ne créait des biens. Sans compétence sur la stratégie et les investissements, l’équipe managériale assurait les charges courantes selon des méthodes mélangeant absolutisme et discipline militaire. Chaque unité de production constituant un carré, chaque équipe une cellule.
Au début des années quatre-vingt, l’entreprise chinoise connaît une mutation avec la disparition partielle du management doctrinal.
La mise en concurrence des parcs industriels impose un nouvel objectif, le taux de croissance. S’éloignant de la phraséologie idéologique, le Directeur de l’entreprise se mue dans la figure du père, tout à la fois vénéré et craint. Parallèlement, le développement des marchés favorise l’éclosion des entreprises privées. Sous les coups de butoir de l’arrivée des multinationales et des overseas chinese (Hong Kong, Taiwan, Singapour), le management s’organise, les règles comptables, contrôle et reporting se précisent. Si l’exigence du profit s’installe, le maintien de l’emploi demeure primordial. Lors du différend sur le textile chinois, les autorités de Pékin font valoir la priorité absolue donnée au maintien de l’emploi existant, public ou privé.
Héritier de cette histoire, le nouveau modèle managérial chinois fonctionne autour d’un quatuor plutôt efficace : autoritarisme, paternalisme, résultats et émancipation concertée.
Si les trois premiers points sont connus, le dernier mérite attention. Dans beaucoup d’entreprise, les salariés (ouvrier, technicien ingénieur, etc.) sont encouragés à créer leur affaire toutes les fois que celle-ci participe peu ou prou du développement de l’entreprise mère. Même si son cadre de travail est difficile, le salarié peut croire à un avenir prometteur. L’entreprise mère oriente les meilleurs d‘entre eux vers les poches actives de son développement futur, notamment, les marchés extérieurs. S’y adosse un système d’aides financières avantageux, immédiatement mobilisables, le tout encadré par le guanxi. C’est ce qui se passe déjà dans l’électronique ou l’informatique. Des anciens salariés d’entreprise chinoise ont ouvert directement ou indirectement des points de vente un peu partout dans le monde, favorisant l’éclosion d’un véritable réseau de distribution ayant in fine partie liée avec la maison mère. C’est ce même scénario qui devrait faciliter la venue des voitures chinoises en Europe.
A la perspective du rachat de leur entreprise par des intérêts chinois, quelles pourraient être les craintes des salariés européens ?
Les repreneurs, maintiendront-ils l’emploi ou chercheront-ils à réduire le coût salarial ? Si les entreprises chinoises sont issues du continent (China mainland), elles ne joueront pas d’emblée sur la variable de l’emploi. Elles porteront davantage leur attention sur l’organisation, la logistique et la sous-traitance. Elles devraient privilégier le pragmatisme plutôt qu’une seule équation comptable. Cependant elles solliciteront des salariés un investissement plus marqué et une fidélité absolue.
Seulement voilà, en France par exemple, la législation de travail est opposable à tous.
Si d’aventure, la société chinoise n’a pas la possibilité d’imposer sa culture d’entreprise, elle pourrait recourir à l’emploi ethnique en puisant dans la communauté asiatique des salariés plus aptes à comprendre les règles du jeu. Venus dans les années 50s et 70s, souvent du Cambodge ou du Vietnam, d’autres de Wenzhou et du Fujian, s’étant élevés à la force du poignet, les franco-Chinois témoignent d’un dynamisme exceptionnel. Comme le confirme le Greffe du tribunal de commerce de Paris, les entreprises détenues par des Chinois se placent désormais au quatrième rang parmi les sociétés étrangères à Paris. 65% d’entre elles ont moins de cinq ans d’existence, 48% étant présidées par des femmes. Biculturels, généralement bien formés, leur force de travail est attractive.
Cependant si les entreprises chinoises veulent se mouvoir avec plus de force dans l’hexagone, elles devront élargir la palette des compétences, recruter tous azimuts. Dans le contexte d’un emploi raréfié en France, le bon sens veut que l’on s’adapte à chaque situation. De surcroît, la promesse du maintien de l’emploi est un gage de confiance. A priori, il n’existe donc pas de choc culturel frontal entre l’entreprise chinoise mondialisée et l’emploi stabilisé. Saura-t-on seulement alléger une législation par trop tatillonne, parfois contraignante ?
François de la Chevalerie, 2007