Sauf accident de parcours, la déferlante chinoise s’annonce ingénieuse, colossale, avalant tout d’une même gorgée, matières premières et industries, demain capital et services. N’ayons crainte ! Jouons la partition gagnante ! Lors de l’Année de la Chine en France, l’empire du Milieu a surgi dans les esprits sous un florilège d’événements culturels. Pour autant, ce pays demeure énigmatique, par trop différent, engoncé dans une langue indéchiffrable ! Certains ne comprennent pas ces travailleurs acharnés incroyablement pratiques. D’autres craignent les délocalisations, s’inquiètent pour leur emploi, les acquis sociaux. De leur côté, les Chinois s’amusent de notre peuple jugé sympathique, supposé blablateur et paresseux, prétendument peu commercial. N’est-il pas temps de tordre le cou à ces préjugés, à ces peurs ? Si, aujourd’hui, en France, les institutions, les grandes entreprises et certaines PME prennent la mesure de l’enjeu, beaucoup reste à faire pour associer l’homme de la rue au défi majeur du développement accéléré de la Chine.
Premier chantier : levons l’obstacle du fossé culturel ! Actuellement, la communauté chinoise en France est structurée autour d’associations composées presque exclusivement de Chinois. A côté de ces confréries « ethniques », il faut créer des têtes de pont rassemblant Français et Chinois. Partout sur le territoire doivent essaimer des associations valorisant le rapprochement entre les deux peuples, et ce dans tous les domaines. Pour y contribuer, un effort sans précédent doit être engagé en faveur de la connaissance de ce pays et l’apprentissage du mandarin. Actuellement, dans nos écoles, le chinois est considéré comme une langue exotique dispensée à une minorité d’élèves, la plupart originaires de Chine. Il faut désormais hisser le mandarin dans l’ordre des langues prioritaires, à l’égal de l’allemand ou de l’espagnol. De même, il importe de diffuser largement la culture chinoise sous forme d’ateliers artistiques, de lieux d’échanges. Cette démarche doit être étendue aux adultes dans le cadre des comités d’entreprise, de la formation continue, etc. Parallèlement, la langue française doit être promue avec vigueur en Chine sur la base d’un maillage complet de son territoire, notamment, par le biais des alliances françaises. Le ministère des Affaires étrangères doit s’engager fortement dans cette démarche, quitte à redéployer ses effectifs. Il faut également encourager l’installation de Français en Chine. Il s’en compte 15.000 aujourd’hui, amenons ce chiffre à 50.000 ! Apportons aussi à ce grand pays notre sensibilité, nos valeurs, notre humanité ! Il en a besoin !
Deuxième chantier, initiative et inventivité. En France, les mécanismes de soutien institutionnels à l’exportation de produits ou de savoir-faire favorisent les entreprises établies, rares en revanche sont les dispositifs financiers accessibles au tout-venant. Pareillement, si les banques ouvrent d’emblée leurs portes au CAC 40 et aux opérations d’envergure, elles sont réticentes à soutenir de petits projets. On ne prête qu’aux riches ? Rejetons l’affreux proverbe ! La France dispose d’un incroyable vivier de talents (créateurs, chercheurs, entrepreneurs, artisans, etc.), mais beaucoup, faute de moyens, ne peuvent s’exprimer. Pourtant certains aimeraient s’aventurer en Chine, flairer les opportunités. Offrons-leur cette possibilité ! Créons des dispositifs financiers qui puissent soutenir leur action (prêt sur l’honneur, extension des polices d’assurance Coface aux entreprises nouvellement créées, fonds d’études, crédit à long terme…). Prenons le cas, par exemple, d’un chercheur titulaire d’un brevet en quête de solution industrielle : donnons-lui la chance de valoriser son savoir-faire en Chine ! Considérons aussi les métiers artisanaux, favorisons leur implantation à Pékin, Shanghai, Canton, ailleurs ! Dans le domaine de l’environnement, aidons la Chine à devenir un pays propre et à diminuer sa dépendance énergétique ! Là encore, en France, nous disposons de véritables compétences en matière de traitement écologique, aiguillons-les vers la Chine ! Enfin, favorisons des groupements d’entreprises autour de projets collectifs de telle manière que chacun n’agisse pas dans son coin et que le risque encouru soit moindre.
Pour atteindre cet objectif, toutes les administrations doivent se mettre en marche : Etat, régions, départements, villes mais aussi les partenaires privés : entreprises, banques, assurances, etc. Abritant une communauté de 300.000 Franco-Chinois, appelée à accueillir 1 million de touristes chinois l’an, comme elle s’y est employée en organisant le défilé du Nouvel An chinois à Paris en 2004, la Région Ile de France doit être source d’inspiration. Force de propositions, multipliant les initiatives, développant l’instruction du chinois dans ses établissements scolaires, soutenant de petits projets, créant des pôles d’entreprises, Paris gagnerait à devenir la plus chinoise des villes européennes, porte-voix de l’Europe en Chine, trait d’union entre les hommes de la rue, chinois et français