Les larmes des Français
Posté par ITgium le 27 mars 2013
Depuis la Chine, les larmes des Français
Les Récits de jùn mǎ 俊 马
De Francois de la Chevalerie
Résidant en Chine, ces derniers temps, j’hésite à prendre les appels venant de France comme je crains la lecture de ma messagerie.
Chaque jour, entre tristesse et abandon, un effrayant tourbillon de désespoir s’y déverse.
Une litanie de peines, chaque jour, s’aggravant.
Les messages commencent souvent sur une mauvaise nouvelle, pour beaucoup la fin d’une vie stable.
« Pour moi, c’est fini ! Je n’ai plus d’emploi »
« Ce matin, la Direction m’a annoncé… »
« Comment peuvent-ils maintenir mon poste alors que l’entreprise ne fait plus de chiffre d’affaires ? »
S’armant d’un fil de courage, certains sont sans illusion :
« Je cherche une solution mais cette année sera pire que la précédente. »
Entre les lignes, sonne le glas de la France.
« Je ne crois plus en son avenir ! »
« Comment un pays moribond peut-il me donner de l’espoir ? »
Qu’ils soient bardés de diplômés ou sans formation, beaucoup conviennent d’un même constant : la France n’est plus la France !
Plus criant, ce jugement cinglant sur la classe politique : « Ils se valent tous ! »
Les messages sont parfois accompagnés de photos, d’illustrations.
Apparaissent des visages émaciés, des joues creusés.
Naguère souriante, une famille pose, le visage sévère.
La fille d’un ami dessine le portrait de son papa tout déconfit au rebord d’une route.
Devant les portes d’une usine, des larmes.
Beaucoup rêvent d’un autre monde, loin d’une France qu’ils jugent saumâtre comme son temps.
« Nous pouvons partir dès demain ! » suggère l’un.
« S’il le faut, je prendrais le premier avion » confie un autre.
Certains sont réalistes :
« Je suis prête à partir à l’autre bout de la planète pour presque rien tant je retrouverai de l’espoir ! »
Viennent des appels plus personnels où je suis presque pris à partie.
« Pourrais-tu demander à la Chine d’ouvrir toutes grandes ses portes à nous autres, pauvres français ? »
« Ne m’oublie pas, mon ami ! »
« N’as-tu jamais songé à aider un autre français ? »
J’étouffe alors, fermant aussitôt ma boite aux lettres.
De ce pas, j’ouvre la fenêtre de mon bureau à Tianjin, prenant de plein fouet une masse d’air polluée, un gaz délétère.
Au bas de l’immeuble, des travailleurs forment une file d’attente pour obtenir un travail, l’équivalent de quelques euros gagnés journellement.
Je m’apprête à déjeuner, aujourd’hui probablement du riz porteur d’un staphylocoque doré et de légumes imprégnés de benzopyrene chancelant dans des assiettes où migre du plomb, le tout arrosé par une boisson gazeuse légèrement atteinte par du mercure.
Les mains glissant sur mon visage, je m’interroge :
« Comment se peut-il que le grand peuple de France en soit arrivé là, déçu de tout, s’abimant dans le désespoir, songeant à lever le camp ? »
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