De Gaulle et Led Zeppelin
Posté par ITgium le 3 mars 2016
A dix ans, j’avais deux amours.
Longtemps ils me tinrent chaudement enlacés.
Au hasard d’une parade, le Général posa son regard sur moi. J’en fis ma potion magique. Quelque temps après, je me laissais envahir par une merveilleuse ballade dans les cieux entonnée par un groupe de rock anglais.
Mes héros, de Gaulle et Led Zeppelin, entraient dans ma vie.
J’aimais leur force, leur énergie, leur engagement par delà de tout. Chacun, à sa manière, chahutait le convenu. Leurs voix survolaient pareillement les ondes molles, de tièdes mélodies.
Led Zeppelin, clinquant de couleurs, à demi vêtus ; de Gaulle dans ses pantalons flottants, par trop habillé ; l’envers et l’endroit d’un monde exigeant cinglant vers l’avenir.
Je commençais mes journées, réveillé par la charge tonitruante de Black Dog. Suivait la verve du Général. J’étais alors prêt au combat !
En milieu de journée, je relisais les Mémoires de guerre sous les coups de rif de Jimmy Page.
La nuit venant, je feuilletais les Mémoires d’espoir, la tête bercée par Stairway to Heaven.
Ils s’emmêlaient tellement l’un à l’autre qu’il m’arrivait de participer à une commémoration officielle les oreilles collées à un baladeur où la grosse caisse de John Bonham répondait aux cors de la garde Républicaine. Lors d’un concert, derrière l’époustouflant Rock and Roll des Led surgissait en invité impromptu le discours du 18 juin.
Ensemble, ils structuraient ma vie, mon bien être.
Les années filant, une lézarde apparut.
De Gaulle décrochait.
Les excursions à Colombey, les relectures des Mémoires ne suffisaient plus pour entretenir mes rêves. Sous les coups de butoirs des opportunismes, des trahisons et des renoncements, le lien se relâchait. Des ombres dans le décor, la pâle réalité de la France, si peu l’esprit de l’engagement.
Alors que le Général quittait la scène, les anglais tenaient toujours bon.
Chaque fois que des artistes reprenaient leurs morceaux, ils s’y prêtaient avec respect et fidélité. Le ton juste. Tel Immigrant Song, l’histoire des Vikings quittant la Scandinavie à la recherche de nouvelles terres.
Le Général est bien mort, je l’ai épuisé.
Led Zeppelin, je n’en ai toujours pas fait mon deuil.
D’ailleurs ce soir, je me laisserais une nouvelle fois surprendre par The Song Remains the Same, l’éternel recommencement.
François de la Chevalerie
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