Anthologie sommaire du client chinois – Le Client Chinois aux Galeries Lafayette – Peines et Joies -
Posté par ITgium le 30 août 2014
Suivi de quelques variations sur le mot client en chinois
Le récit de jùn mǎ (俊 马) [1]
Aux Galeries Lafayette (巴黎老佛爷百货公司) le client chinois est roi mais un peu plus car sa cagnotte est reluisante.
Il se murmure que la part des citoyens de l’empire du milieu représenterait 40 % du chiffre d’affaires du magasin du boulevard Haussmann.
Il se commente que ces derniers auraient régénéré l’établissement qui autrement aurait sombré dans un inexorable déclin comme Marks et Spencer, son ancien concurrent naguère établi sur le même boulevard.
Le chinois est le maître des lieux mais est-il seulement heureux à l’idée d’y laisser ses plumes ?
Quel est donc l’état d’esprit l’Homo cinese, le client chinois ordinaire, le píng cháng Zhōng guó kè hù (中国 客户 平常) ?
Un accueil misérable
Aux Galeries Lafayette de Paris, l’accueil est sobre, limité à l’essentiel.
Alors qu’il compte pour de l’or, le chinois n’a pas le droit aux entrées du boulevard Haussmann. Tout juste mérite-t-il les portes de service, rue de la chaussée d’Antin.
Toute la journée, un ballet ininterrompu de bus déverse par paquet compressé des groupes de 30 à 40 chinois sur un trottoir étriqué, mal agencé, tel un débarras.
Aussitôt sortis des véhicules, les chinois sont repoussés vers des portes à l’esthétisme misérable.
Une manière subliminale de leur rappeler qu’ils sont toujours ces coolies (kǔ lì 苦力) que les policiers de la concession française de Shanghai (fǎzūjiè 法租界) traitaient naguère avec le plus grand mépris.
L’entrée en matière est rude.
Sous cape, des offrent leur interprétation.
- Le client chinois est le client d’un jour. 95 % ne reviendront jamais sur les lieux. Pourquoi lui réserver meilleur accueil ?
Ce commentaire ne s’impose pas car la marque des Galeries Lafayette est présente en Chine. A par trop se répandre, une image défavorable du magasin à Paris pourrait rejaillir sur l’attractivité des activités en Chine.
- Ne l’avez vous pas remarqué ? prolonge un autre vigile. Tel l’apôtre du mauvais goût, le client chinois est fort mal habillé. Je subodore qu’on ne souhaite pas en haut lieu qu’ils fraient avec des gens à meilleure allure. D’ailleurs, on cherche à les retenir dans une seule aile du magasin afin d’éviter tout mélange. Et dire que ce sont eux qui nourrissent ma fiche de paye !
- Les chinois restent deux jours tout au plus à Paris. On leur impose le musée du Louvre mais ils s’y ennuient à en mourir. Comment voulez qu’un chinois prête attention au radeau de la Méduse dont il ignore tout de l’histoire ? En revanche, les Galeries Lafayette, c’est un moment de plaisir. Même s’il y entre par la petite porte, il a cette impression d’avoir gagner ses galons.
Dans les murs
Malgré le peu d’attention (et de générosité) porté à leur accueil, les chinois font preuve d’une docilité phénoménale. L’on entend guère de protestation. Presque mécaniquement en rang serré, ils s’aventurent dans le magasin, suivent leur groupe.
Bientôt, ils parcourent les étals.
Dans la tête du chinois, sonne un slogan assourdissant, le luxe (shē chǐ pǐn 奢侈品) ou (gāo dàng shāng pǐn 高档商品) !
Le luxe est l’emblème des Galeries Lafayette, nul ne peut y échapper.
Le chinois ne s’en émeut pas.
Comme sa connaissance des produits occidentaux est résiduelle, il s’oriente vers des marques connues (míng pái) lesquelles se comptent sur les doigts d’une main.
Rarement connaît-il le nom d’un produit (pǐn ming).
Devant chaque devanture, il se range dans une file, attend son heure.
Généralement, dans ces rayons, les vendeurs sont également chinois.
Chez ces derniers, des années de présence en France leur donne un air de supériorité. Mieux que quiconque, ils jugent leurs pairs.
En catimini, ils leur attribue de généreux épithètes : Cū rén (粗人), xiāng bā lǎo (乡巴佬), lǎo mào r (老帽儿).
Autrement traduit : péquenaud ou plouc. Rien d’élégant.
Pire, ils s’amusent de l’ignorance crasse de leurs compatriotes.
- Toujours les mêmes questions, les mêmes remarques. Une sorte d’abrutissement général, de néant, tout cela pour un sac à 300 euros, une paire de lunette à 200 euros.
L’achat se vit telle une revanche
Nulle opinion sur les chinois n’est possible si l’on oublie les années de famine et de pauvreté abyssale qui sévissaient naguère en Chine.
Voilà 60 ans le grand bond avant (Dà yuè jìn 大跃进) de la production agricole, voulu par Mao, aboutissait à une terrible famine entrainant la mort de 30 millions de personnes.
Au delà de cet épisode, les campagnes chinoises ont toujours été effroyablement misérables.
Par exemple, à Guiyang (Guizhou), dans les années 30, un pantalon servait à 7 hommes.
L’achat se vit tel un moment de liberté
Généralement, le touriste chinois reste deux ou trois jours à Paris.
Alors que pour toutes les étapes de son séjour il suit tête baissée son groupe, le détour aux Galeries Lafayette s’offre comme un moment de vraie liberté.
En l’espace d’une heure, il donne libre cours à sa frénésie d’achat.
Sortant du rang, il vit alors pour lui même, pour sa famille, ses proches.
Il se figure qu’un sac acheté fort cher lui confère un supplément d’existence.
Enfin, il existe !
La place du mari, ce pauvre homme !
En Chine, la femme fait la Loi dans les couples.
L’acte du mariage signé, elle s’approprie sine die les finances de la famille.
Elle agit avec doigté toutes les fois qu’il s’agit de l’éducation des enfants ou du maintien du logement.
En revanche, elle exige sans relâche des preuves de l’amour de son mari.
Rarement se satisfait-elle de poèmes ou d’un repas champêtre sous une lune brillante. Elle se complait plutôt dans des cadeaux somptueux, des téléphones portables dernier cri de marque étrangère.
Si, de surcroît, son mari se plait à des vagabondages, elle augmentera exponentiellement les virées dans des centres commerciaux.
A Pékin, un expert marketing confie :
- Le meilleur allié des marques, c’est le mari bourru et infidèle. Du coup, comme sa femme s’ennuie à mourir dans son foyer, elle veut sa part de rêve. Notre rôle est d’attiser ce besoin !
A Paris, la femme chinoise est encore plus Reine qu’elle ne l’est en Chine.
Dans la plupart des cas, c’est elle qui a imposé un séjour en France alors même que son mari s’en serait volontiers passé tellement ses loisirs se limitent à regarder des feuilletons aseptisés à la télévision chinoise ou à jouer au mah-jong.
Dès lors, à Paris, c’est double peine pour le mari et triple consommation pour l’épouse.
Acheter cher pour l’aura
Au rayon lunette, les chinoises font la queue.
Beaucoup apprécient les paires de lunette de soleil.
Plus elles sont chères, plus elles se sentent en confiance. Une confiance que maintiendra à haut niveau le vendeur jusqu’à l’achat.
Il est commun de dire que le coût est un indicateur de qualité, mieux, de crédibilité.
A son retour en Chine, elle confortera l’idée que son séjour en France a été un succès en étalant ses prises sous le regard accablé de son mari.
Certaines paraderont (bǎi kuò 摆阔) de longue semaines tel le rêve d’une vie de luxe et d’oisiveté, ensablée dans les plaisirs (jiāo shē yín yì 骄奢淫逸).
Départ tout aussi misérable
L’achat terminé, les clients chinois rejoignent la rue de la chaussée d’Antin.
Comme leur bus se fait attendre et que leur trottoir est minuscule, ils se regroupent dans un coin.
Ils se replient encore davantage lorsque des passants empruntent le trottoir.
Et c’est alors que ces pourvoyeurs en chiffre d’affaire ressemblent à des réfugiés, des va nu pieds.
L’homme orchestre du succès des Galeries Lafayette, le guide touristique (dǎo yóu 导游).
Fort du soutien actif des Agences touristiques, c’est lui qui entraine le client chinois au pied des Galeries Lafayette.
Nullement s’y emploie-t-il pour la beauté du geste.
Son seul motif, le gain.
Pour tout achat de ses clients dans le magasin, il reçoit une commission (yòng jīn), variant entre 5% et 10%. Longtemps l’URSSAF s’est ému que celle-ci ne soit pas fiscalisée.
Il semblerait que les guides touristiques s’acquittent désormais des charges en rapport avec leurs revenus.
Cependant, les commissions dues par les galeries Lafayette à l’agent touristique n’est que l’aspect visible de ses revenus, d’autres l’étant en sous main.
Les guides se voient attribuer des « commissions cachées » en fonction des services qu’ils rendent.
Le guide touristique est un peu l’homme à tout faire.
Quelques variations sur le mot client en chinois
Généralement, le client est roi (Kèhù wéi wáng 客户为王).
Dès lors tout le monde est à ses petits soins jusqu’à ce qu’il s’acquitte de sommes rondelettes.
Assurément, le client est un hôte de marque (kè rén 客人).
En termes comptables, il sera plus surement un client (kè hù 客户) ou encore un acheteur (mǎi jiā 买家), un autre acheteur (mǎi zhǔ 买主), tous membres d’une confrérie universelle bien en vue, la clientèle (zhǔ gù 主顾).
Aux Galeries Lafayette, le client chinois s’en vient et s’en va, fuyant comme l’air (shòu kè hù jī 瘦客户机).
Pour l’entretenir dans ses besoins d’achat, le magasin dispose d’un logiciel de gestion de relation client fort efficace (kè hù guān xi guǎn lǐ 客户关系管理) orchestré savamment par le Service client (gù kè fú wù 顾客服务).
Plongeant dans son intimité, le profilage des clients tient lieu de Bible.
L’objectif est de connaître par les dispositions du client jusqu’aux méandres de son âme (líng hún 灵魂).
Malheureusement les clients chinois ne sont que les clients d’un jour et non pas, ce dont tout magasin rêve, un client fréquent (shú kè 熟客).
Mieux encore d’un client fidèle (huí tóu kè 回头客) portant un amour immodéré à la marque.
En haut de la pile, le roi des clients, c’est le vieux client (lǎo kè 老客), fidèle parmi les fidèles, depuis cinquante ans.
Cependant à ce bon ami, l’on préférera toujours un client très fortuné (gāo zī chǎn jìng zhí gè rén 高资产净值个人 ), cet hôte de marque (guì bīn 贵宾).
Leur pouvoir d’achat (gòu mǎi lì 购买力) étant remarquable, ce que l’on attend de lui, c’est qu’il achète à grande échelle (cǎi bàn 采办), sans compter.
Pour le remercier, il pourrait devenir l’ambassadeur pour une marque (dài yán 代言)
Chaque fois que le client consomme, il se voit affubler d’un nom différent.
Ainsi le client d’un hôtel (zhù kè 住客).
Même le client d’une maison close mérite un titre (piáo kè 嫖客).
De surcroit, avec la percée des nouvelles technologies est né le client virtuel (yóu xiāng kè hù duān 邮箱客户端) se jouant des réseaux sociaux.
A tous ces clients, on proposera un prix de groupe (tuán gòu 团购), parfois en lançant des enchères (chū jià 出价) favorisant des ruées à l’achat (qiǎng gòu 抢购) et où chacun, au besoin, pourra procéder à des achats et ventes (gòu xiāo 购销).
Pour les chanceux, ils se verront proposer un deuxième gratuit à l’achat d’un article (mǎi yī sòng yī 买一送一).
In fine, la marque gagnante rencontrera le succès (chéng jì 成绩).
[1] (François de la Chevalerie)
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