Paris, ville antichinoise ?
Posté par ITgium le 15 juin 2009
D’un côté, le Dalaï-lama, admis au rang des citoyens d’honneur de la ville de Paris. La reconnaissance d’un homme, de son combat. De l’autre, un pays pointé du doigt. D’un côté, une célébration. De l’autre, rien, pas un mot sur les titanesques efforts accomplis ces dernières décennies par les chinois. Silence sur la modernisation de la Chine, désormais quatrième puissance mondiale, atelier du monde, bientôt son laboratoire. Est-ce rien un peuple qui mange désormais à sa faim ? Le mieux être ne mérite-t-il pas aussi un prix ? Deux poids, deux mesures !
Plutôt déséquilibrée, cette position crédibilise-t-elle Paris dans ses ambitions de ville mondiale, prônant la rencontre, l’échange ? Elle l’enferme plutôt dans un rôle daté. Celui d’un occident jugeant tout d’une pièce, fixant seul les règles, assez arrogant. Telle une instruction à charge. Ajouté à cela des effets d’image, le goût de l’apparence, la posture des Droit de l’homme s’affadit alors, bientôt inerte.
Certes le Maire de Paris a la liberté d’agir comme il l’entend. Mais n’eut-il pas mieux valu s’accomplir avec plus de doigté ? Les enseignements des erreurs passés ont-ils seulement été tirés ? Lorsque le rideau est tombé sur la candidature de Paris aux Jeux Olympiques, plusieurs délégations africaines évoquaient alors un manque d’écoute, des portes fermées. Paris avait été sourd à leurs appels. Résultat, des voix se dérobèrent au moment du vote. Aujourd’hui, le Maire entend-t-il la communauté chinoise de Paris, la plus importante d’Europe, laquelle s’emploie activement à redonner des couleurs à des quartiers de la capitale guettés par la désertification commerciale ? La croit-elle insensible à cette manière de faire ?
Si donc seuls les Droits de l’homme comptent pour Paris, pour être juste, il faudrait alors reconnaître qu’il existe désormais un débat public en Chine. Le tremblement de terre dans le Sichuan comme l’affaire du lait frelaté ont suscité des prises de position à ciel ouvert, devant caméras. Naguère les victimes gardaient silence. Depuis peu, elles n’hésitent pas à morigéner les autorités, les bousculant parfois. Les langues se délient jusque sur la toile. Si celle ci est surveillée, une visite impromptue dans un des milliers de cybercafés chinois rend compte d’une énorme soif de connaître, de partager, de comprendre. En Chine, la démocratie est en marche comme en témoigne la promulgation d’une nouvelle loi sur le droit du travail, entrée en vigueur 2008, comme l’illustre une prise de conscience croissante sur les risques écologiques et sanitaires. Peu à peu, sans à-coups, mais sûrement.
De surcroît, la position de Paris n’entame-t-elle pas aussi ses chances de s’affirmer comme une place économique de l’avenir, pourvoyeuse d’emplois ? Puissance financière déterminante, la Chine est désormais au devant de la scène. Qu’on le veuille ou non, il faudra s’y faire ! Demain ses entreprises s’établiront en Europe, ses universités ouvriront des campus, ses marques occuperont nos murs, ses artistes feront la une. Disposant d’atouts, Paris pourrait s’inviter à la partie, créant de la richesse en commun, favorisant aussi l’esprit du dialogue. Mais pour cela, il faut savoir écouter. A l’inverse, chahuter sans nuance la Chine comporte le risque de s’abstraire d’un processus, de se laisser distancer par d’autres villes européennes plus accueillantes et au final de ne plus compter.
Voilà plus d’un siècle, Paris accueillait l’exposition universelle, Shanghai s’y ose en 2010. En raison de finances publiques déjà souffreteuses, Paris y renonçait en 1989. D’un siècle à l’autre, la puissance a basculé. Paris, ville du passé, figée dans le temps ? Se gavant de ses seules certitudes, elle s’y risque plus encore.
François de la Chevalerie, 7 juin 2009
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