De la corruption en Chine
Posté par ITgium le 14 septembre 2014
Les récits de jùn mǎ 俊 马
Préambule
Dans les démocraties, un corset de Lois opposable à tous définissent les cas de corruption et par là ouvrent la voie à des échelles de sanction.
Cependant, les écarts ne manquent pas, notamment, lorsque la représentation politique est défaillante et contestée.
Sous les régimes autoritaires, l’absence d’Etat de Droit et l’inexistence de débats contradictoires à valeur juridique, favorisent d’emblée la corruption.
Néanmoins, comme c’est le cas sous la mandature de Xi Jinping, une politique volontariste de lutte contre la corruption peut en corriger les effets.
La corruption en Chine, un atavisme culturel
En Chine, la corruption est viscéralement ancrée dans le monde des affaires sous l’effet d’un atavisme culturel ancestral. L’existence des Guanxi (关系), autrement dit de réseaux locaux contribuent aux pratiques en sous mains.
Généralement, les Guanxi sont une survivance des seigneuries et féodalités locales lesquelles étaient très actives voire incontournables sous la Chine impériale (中華帝國) et ce jusqu’à l’avènement de la République (Zhōnghuá Mínguó 中華民國), proclamé en 1912.
Ces arrangements s’étendent même au delà de la Chine continentale. Les chinois de l’étranger se glissent volontiers dans les « bamboo network » lesquels recouvrent les réseaux de relations de chinois dans le sud est asiatique.
Longtemps la réalité de la corruption ne dérangeait pas.
Consubstantiels au Guanxi, ces réseaux locaux aident à la marche des affaires, à la mise en œuvre rapide des projets. Ils se comprennent comme un accélérateur de décision.
Plutôt que la remise de sommes sonnantes et trébuchantes, la corruption s’organise principalement autour d’échanges de bon procédés : l’accès à un poste, l’obtention de marché hors appels d’offres, la mise à l’écart des concurrents non locaux, le tout accompagné de facilités administratives comme, par exemple, une inscription dans une école, une sortie du territoire.
Passer par la porte derrière (zou houmen 走后门) est l’expression la plus emblématique pour designer ces contournements au règlement.
De fait, le plus souvent ces agissements se font entre deux portes, discrètement, sans document écrit. L’opération conclue, les partenaires célèbrent leur entente lors de repas plantureux ou des séances de karaoké fort arrosées en la présence d’accompagnatrices toutes dévouées.
En raison de leur proximité avec les autorités locales, sous couvert d’une amitié de longue date et parfois de liens familiaux, certains sont favorisés.
Faute de se retrouver dans le cercle rapproché et d’informations, les autres se trouvent écartés.
A ce jeu, l’égalité entre citoyens est rompue.
Soucieux de maintenir un équilibre entre le pouvoir central et les provinces, depuis 1976 et l’ouverture de la chine, le gouvernement de République Populaire de Chine (Zhōnghuá Rénmín Gònghéguó 中华人民共和国) n’a pas voulu défaire cette pratique.
La corruption, l’instrument inattendu de la croissance ?
D’avisés commentateurs suggèrent que la corruption serait l’instrument clef de la croissance.
Les facilités administratives, de surcroît, l’inobservance des règles, notamment, dans le domaine environnemental favorisent le dynamisme de l’économie. Ces entorses auraient contribuer entre 1 et 2 % à la croissance annuelle des trente dernières années.
A contrario, dans les démocraties, le respect à la lettre des procédures et des délais, l’exigence de consultations publiques et surtout l’opposabilité juridique entrainent des lourdeurs et une inertie préjudiciables à la prise de décision, donc à la bonne tenue de l’économie.
C’est pourquoi, selon cette même logique, la chasse à la corruption lancée par le Président Xi Jinping contrarie actuellement la croissance chinoise.
Aujourd’hui, en raison d’un sentiment général diffus de peur, les fonctionnaires privilégient l’attentisme. Pratiquant l’immobilisme, ils s’éloignent de l’esprit d’initiative qui est pourtant la pierre angulaire du volontarisme en matière économique.
Du coup, les retards dans les prises de décision comme les rétentions d’information sont légion. Pire encore, les ruptures de contrat, les non paiements à des prestataires privés compliquent la marche normale des affaires.
La crédibilité des ordonnateurs publics est alors mise en cause.
Le dynamisme de l’économie chinoise s’en trouve altérée.
Aucun chiffre n’existe mais des indices vont dans ce sens. A titre d’exemple, les entreprises françaises du luxe ont vu leur chiffre régresser de près de 20 % depuis le 1er janvier 2014.
S’agit il autrement d’un moyen pour écarter quelques concurrents ?
D’un moyen de se montrer « plus propre » que les autres dans une société où la critique à l’égard des édiles locaux est croissante, notamment, à travers les réseaux sociaux ?
D’un moyen pour discipliner des troupes à la conviction chancelante, de se maintenir in fine, dans la peau d’un Primus inter pares incontesté et incontestable ?
Le débat est complexe.
Les mots en rapport avec la corruption dans la langue chinoise
Selon une enveloppe large, la corruption désigne :
- le trafic d’influence,
- le détournement de fonds
- le népotisme ou encore
- la falsification statistique
- le népotisme
Corruption
En chinois, le mot « corruption » trouve différentes traductions, au choix : tān wū (贪污), fǔ huai (腐坏), tān fǔ (贪腐), huì mǎi (贿买), wū lì (污吏).
A noter que le mot fǔ làn (腐烂) mêle indistinctement des idées de pourrissement, décomposition et de corruption.
Genèse
La corruption nait souvent d’une ambiance chaotique, une atmosphère confuse (wū yān zhàng qì 乌烟瘴气).
Dans une telle situation, l’on s’expose plus aisément à des entorses (bā fèn 扒粪) propres à susciter le scandale.
Généralement, la démarche poursuivie consiste à corrompre un fonctionnaire (职务腐败).
Elle repose souvent dans la remise d’une commission (yòng jīn 佣) ou dans des affaires plus complexes, de retro-commisions. Ce dernier reçoit alors des pots de vins (shòu huì 受贿).
Pour lutter contre ce fléau, une politique anti corruption est mise en place (fáng fǔ 防腐 ou fǎn tān 反贪).
L’objectif est d’encourager l’honnêteté (yǎng lián 养廉).
C’est au Bureau de prévention de la fraude et de la corruption (fáng qī zhà bàn gōng shì 防欺诈办公室) qu’il revient d’établir les faits. Selon le cas, il s’appuiera sur un Groupe de la lutte contre la corruption (fǎn fǔ bài gǔ 反腐败股) soigneusement nommé par ses soins.
Souvent les informations lui parviennent sous forme de dénonciation (jiē hēi 揭黑).
Lorsque le cas est dûment établi, la corruption est instruite (shòu huì àn 受贿案).
Tout crime de corruption est sérieusement puni (fǔ bài zuì ).
Fort de cette inflexible orientation, chaque année sera célébrée la Journée internationale de la lutte contre la corruption (guó jì fǎn fǔ bài rì 国际反腐败日) laquelle sera organisée par l’Académie internationale de lutte contre la corruption (guó jì fǎn fǔ bài xué yuan 国际反腐败学院).
Le trafic d’influence
Dans l’esprit général, dès lors que l’on se trouve à un poste enviable : pouvoir, influence, autorité et puissance se conjuguent (quán shì 权势).
C’est pourquoi beaucoup d’ambitieux souhaitent devenir influent et puissant (dé shì 得势).
Selon sa sphère d’influence (dì pán 地盘), tout un chacun profitera de son influence (zhàng shì-仗势) afin d’exercer son influence (xūn rǎn 熏染).
Malheureusement, les mal intentionnés s’emploieront à disséminer une influence pernicieuse (liú dú 流毒).
Le détournement de fonds
Le détournement de fonds est un abus grave car il suppose une malversation (jiān shǒu zì dào 监守自盗).Beaucoup cherchent ainsi à s’approprier frauduleusement, à empocher (qīn tūn 侵吞) ce qui ne leur est pas dû.
Le népotisme
qún dài guān jì 裙带关系
qún dài fēng 裙带风
rèn rén wéi qīn 任人唯亲
Falsification statistique
Rapport falsifié / falsification historique (qū bǐ 曲笔).
Publié dans Chinois et corruption, Corruption en Chine | Commentaires fermés