Le détachement féminin de l’espionnage chinois
Posté par ITgium le 13 septembre 2017
Le détachement féminin de l’espionnage chinois (Hong se niang zi jun 红色娘子军)
L’âme de Mlle Bo, agent secret, Gonganbu girl
A Jùn mǎ tale 俊 马 (François de la Chevalerie) & the Sà bīn pictures (萨宾)
Avant propos
Toutes ces années passées en Chine m’ont aidé à les reconnaître, à les comprendre, à les aimer.
Nullement n’ai je le souhait de porter le tir contre elles ni même de m’emporter contre l’existence d’un réseau d’espionnage (toutes les nations en disposent) et pas davantage d’en démêler les fils, mon désir serait plutôt de leur rendre hommage en mettant en lumière quelques agréables chausse trappes.
Innocence dans le pré
Au début, je ne me méfiais guère.
J’avais le regard complaisant pour ces belles femmes qui écument inlassablement les réceptions diplomatiques, les salons ou les inaugurations.
Je m’accommodais avec plaisir de leurs aimables attentions comme de leurs délicats atours.
Au fil de discussions, j’appréciais leur impeccable maitrise des langues étrangères.
Je me laissais surprendre par une intelligence souvent inédite.
Je m’amusais encore de leur connaissance surprenante de mon univers culturel.
Durant des années, je jouais sans défiance, évoluant dans leur sillage, répondant tête baissée à leur questions, toujours plus précises, frôlant le détail, presque une mise à nu.
Au milieu des délices, un doute
Que ces rencontres eussent lieu à Shanghai, à Beijing ou à Guangzhou, je remarquais une étrange similarité dans l’approche. A chaque fois, surgissaient les mêmes mots, de semblables refrains et, merveilleusement posé sur leur visage, un pareil sourire tout en finesse.
Commet se fait-il que des femmes distantes de plusieurs milliers kilomètres tiennent un discours presque à l’identique ?
L’âme chinoise serait-elle à ce point bâti sur un même socle que nul ne puisse s’en éloigner ?
Sont-ce là des clones ?
A chaque rencontre, je me posais des questions, celles-ci allant croissant, sans pour autant recevoir des réponses.
Finalement, je commençais à être atteint d’une douce paranoïa.
Je décortiquais méthodiquement leurs caractères, leurs carrières, cherchant à mettre en évidence des points d’ombre.
« L’ignorance est parfois une belle armure contre d’indésirables soupçons » assure Anxmandae de Leira.
Fuir une encombrante paranoïa (偏執病) !
Rassurez-vous, les femmes que vous allez rencontrer au hasard de votre périple chinois ne sont pas toutes des agents de charme du Guójiā Ānquánbù, plus communément appelé gōng ān bù (公安部) au service de sa majesté l’empereur de Chine (Huángdì 皇帝).
La grande majorité sont sincères et douces, peut être aimantes.
Une immense majorité ne vous apportera pas de faux espoirs.
Derrière les ombres
Cependant l’exception œuvre pour le 2ème bureau.
Un jour de cette vie, des agents secrets assermentés (tè wù 特务) ou des espions (jiān xì 奸细), mieux encore des taupes au regard perçant (mì tàn 密探), courant inlassablement à la recherche d’information (s) (tàn yuan – 探员), raclant sans état d’âme les fonds de tiroirs (àn tàn 暗探), ou plus misérablement seraient-elles seulement des mouchards, des agents secrets de l’ennemi (dí tè 敌特).
Peut-être s’impatientent-elles à l’idée de connaitre un document secret (jīmìwénjiàn 机密文件) ou un secret de fabrication (zhìzuò mìfāng 制作秘方) :
Elles habillent leur requête en vantant astucieusement votre réussite (chénggōng de mìjué 成功的秘诀).
Qu’importe !
Qu’elles fussent ou non employées par une quelconque officine, je les reconnais d’abord comme des êtres humains, portant fièrement entre leurs mains la volonté du peuple (rén xīn 人心).
Je les aime ainsi, drapées en danseuse javanaise comme Mata Hari (玛塔·哈里).
Dites moi seulement, comment ne pas aimer celle que le quotidien du Peuple (Rénmín Ribao) décrit comme l’espionne la plus belle et habile des temps modernes, Miss Anna Chapman, celle-ci oeuvrant au service du Tsar de toutes les Russies ?
Heureux profil
Bruit de couloirs, les voilà en tailleur blanc, la silhouette fine, le sourire enjoué, flirtant avec la trentaine.
Beaucoup offrent un visage presque occidental, leurs yeux bridés s’effaçant à l’ombre.
Le soir venu, elles se meuvent en grappe lors de réceptions élégantes, couvant d’un regard malicieux des diplomates, des hommes d’affaires, des scientifiques et des créateurs.
Elles se faufilent dans les rangs, le pas volontairement hésitant, se parant d’une fausse timidité.
Tel un vent léger, une approche toute en délicatesse.
Bientôt des hommes les rejoignent.
Viennent les premiers mots, une présentation convenue.
Glisse un rire contenu sur leur visage, comme lâché pour la circonstance.
Généralement, l’expatrié poursuit la conservation, le cœur fébrile, ému d’une si belle rencontre.
- Est-ce là, à cinquante ans passés, la chance qui me sourit ? se demande t-il en se perdant dans une confondante naïveté.
- Sans hésiter, je me laissais embarquer vers un nouvel horizon ! reconnait un diplomate.
- Je retrouvais ces mêmes frissons qui me traversaient lors de mes vingt ans, admet un industriel aguerri.
Faisant rarement état de leur nom chinois, elles se présentent sous un prénom d’emprunt occidental, le plus généralement anglo-saxon issu du répertoire des croustillantes vedettes Hollywoodiennes. Elles vous confieront volontiers l’origine de leur choix. Le plus souvent, c’est leur professeur de langue qui leur en a suggéré l’idée.
Telles qu’elles se déclarent s’exposant dans leur meilleur sourire :
Sylvie ou Rosa à Shanghai ;
Jenny ou Margaret à Beijing ;
Pearl et Naomi à Tianjin.
Ce prénom est un outil parmi d’autres artifices, le tout étant savamment orchestré.
Méthodes
Les voilà, en rang serré se prenant au jeu, désormais en service, dans l’arène.
L’expatrié est aux anges.
Il remercie le ciel. Il bénit sa fortune. Il vante un improbable destin !
La jeune femme pousse l’avantage. Elle flatte son orgueil. Elle le félicite pour sa maitrise de la langue chinoise qu’il manie généralement avec beaucoup de difficultés.
Peut être aura-t-il suffisamment de clairvoyance pour se rendre compte que son mandarin chantonne mal à l’oreille du quidam chinois mais rien n’est jamais sûr.
Malheureusement, pour beaucoup l’hameçon est dans la bouche.
D’un rendez vous à l’autre, Madame vous emporte loin, très loin, vers d’inaccessibles cimes fleuries.
Prenez soin de votre car cette belle âme ne vous aime tout simplement pas.
Vous n’êtes qu’une ressource, de la matière première à raccorder avec d’autres en vue de déchiffrer un document d’intérêt, une maitresse idée, une source.
Cependant l’imbécile croit toujours au père Noel.
Pourtant les indices abondent.
Incidemment, elle se dévoile : trop d’empressement, une connaissance aigu de votre langue, un anglais déclamé avec l’accent des fins fonds de l’Arkansas ou des courriers au ton académique, des formulations trop à la mode.
Elle use de tous les moyens de communications pour vous amadouer : oralement (kǒutóu 口头), par l’écrit (wénzì 文字), de manière imagée (xíngxiàng 形象), démonstrativement (shìfànxìng 示范性) et toujours activement (huódòngxìng 活动性).
Elle guette inlassablement une information (mìfāng 秘方), confidentielle (jīmì de 机密的).
Toujours âpre au combat, elle évoque directement des points précis de votre carrière enchevêtrée.
Vient la bête !
Une demande précise, par trop précise.
- Comme se fait-il que cette charmante femme en sache autant sur moi alors qu’aucunes des femmes avec lesquelles j’ai frayé au Pérou, au Sénégal ou en Italie, n’ont jamais prêté le moindre intérêt à ce brevet que j’ai déposé voici vingt ans à l’ONPI à Genève ? confie un inventeur.
- Je ne crois pas être la gloire qu’elle déclare que je suis ? s’émeut un industriel.
Tout cela est de bonne guerre, le plus souvent sans conséquence.
Rarement cherche-t-elle à piéger crûment son interlocuteur.
Rarement cherche-t-elle à l’abattre. Nullement a-t-elle l’intention d’être une source de malheur, de calamité (huò duān 祸端).
Jamais elle ne vous fera perdre la face (diū miàn zi 丢面子), elle sait trop bien, depuis toujours, qu’aucune âme ne peut supporter telle ignominie. Son immortalité tient au respect de l’autre, de sa dignité, même lorsqu’elle le plonge – malgré lui – dans un âpre combat.
Elle ne vous aime pas mais elle ne vous souhaite aucun malheur.
Mlle est une femme presque ordinaire dont le sourire reluisant ne dit rien sur les grâces de son cœur.
De surcroît, rarement cherche-t-elle des faits précis telle une boite noire. Plutôt une atmosphère, une idée du monde.
Une idée que la Chine pourra combattre ou, plus heureusement, copier, ensuite valoriser et la mettre sous ses ailes.
Vous maintenir à l’ombre
Mieux vaut se libérer l’esprit de toute charge émotionnelle.
Si d’aventure vous êtes à la recherche de doux sentiments, elles vous prendront rapidement par défaut.
Il faut donc ne rien lâcher sans pour autant leur faire comprendre que vous avez compris leur agréable manège.
Quel bonheur de jouer en averti, passant par dessus la mêlée d’un tir groupé de questions !
Votre objectif, gardez coûte que coûte votre secret (báoshǒu mìmì 保守秘密).
Ne leur confier jamais un secret (bǎ mìmì gàozhī mǒurén 把秘密告知某人).
Gardez même dans les entrelacs de votre mémoire vos pensées secrètes (mì’érbùxuān de xiángfǎ 秘而不宣的想法), votre porte secrète (yí dào ànmén 一道暗门).
Conservez loin de son regard vos affaires dans le plus grand secret (zuìwéi mìmì 最为秘密地), sous couvert du secret professionnel (zhíyè mimi 职业秘密).
Lâchez plutôt des confidences inexploitables (mimi – 秘密).
Formation
La plupart ont été formées à l’institut des Langues Etrangères de l’Université de leur ville d’attache.
Toutes en ont reçu les meilleurs prix, première de leur promotion.
Brillantes, sérieuses et disciplinées, elles ont légitimement éveillé la curiosité du responsable local du Guójiā Ānquánbù.
- La République populaire de Chine (RPC) (Zhōnghuá Rénmín Gònghéguó) vous sera reconnaissant, leur dit-il, pour toute action qui puisse servir le progrès et le bonheur de notre honorable pays.
Comment ne pas répondre avec enthousiaste à une telle supplique ?
Lorsque l’on a vingt ans, de surcroît, si l’on vient d’une famille pauvre, l’on abdique aussitôt devant une si belle promesse !
Naguère, ces belles jeunes femmes promouvaient la pensée de Mao Zedong (xuānchuán Máo Zédōng sīxiǎng 宣传毛泽东思想) ou de l’infoguerre (Xinxi Zhanzheng) mais tout cela est oublié depuis longtemps.
Aujourd’hui, elles répandent plutôt de belles idées, celles se déclinant autour du soft power chinois, fer de lance de la Chine d’aujourd’hui dans sa conquête de puissance.
Certaines œuvrent encore pour la propagande du Comité central du Parti communiste chinois (Zhōnggòng Zhōngyāng Xuānchuán Bù 中共中央宣传部), distillent méthodiquement ses principes, ses valeurs.
D’aucunes sont de belles perles, membres émérites du service de renseignement militaire (Qingbao 情报部).
Couverture
Un bon espion dispose toujours d’une imparable couverture laquelle évolue selon le temps, les circonstances.
En raison de leur inimitable talent, beaucoup Intègrent aisément des sociétés occidentales.
Elles s’accommodent de fonctions visibles mais sans trop de responsabilité, jamais très éloignées du service des relations publiques.
Conclusion
La belle actrice anglaise, Elizabeth Hurley, apporte une jolie conclusion à mes commentaires.
- I’ve always wanted to be a spy, and frankly I’m a little surprised that British intelligence has never approached me.
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