Est ce que toutes les langues se valent ?
Posté par ITgium le 4 juin 2016
Le récit de jun ma
Longtemps, je le pensais.
Puis un jour, j’ai eu pour compagne une jeune femme issue de l’ethnie bouriate, originaire de Oulan Oude en Sibérie.
Chercheuse dans le domaine des matériaux, je l’ai rencontrée à l’université de Tianjin.
Bien que ses traits physiques la rapprochent des Han, son tempérament était à l’opposé de celui des chinoises. Plus directe, peu conformiste. Surtout, elle manifestait un notable mépris pour les biens matériels.
Notre relation s’étoffant, elle m’enseigna des rudiments de la langue bouriate.
C’est ainsi que je réalisais à quel point cette langue est bien plus qu’une langue mais une invitation à la cosmologie.
Ainsi, lorsque un bouriate dit le mot ciel, il rajoute l’infini. Quand il dit l’infini, il complète avec l’invraisemblable et ainsi de suite. Jamais isolés, les mots s’inscrivent dans un récit qui décrit l’histoire de l’univers depuis le début des temps.
Ils n’existent pas autrement. Jamais, du moins, dans leur petitesse quotidienne.
Dès lors, il m’était impossible d’évoquer le temps – qu’il fût beau ou saumâtre – donc le ciel sans discourir deux heures durant sur l’univers.
Comme je me montrais mauvais élève, Madame prit le large.
Dans la tradition bouriate, toute rupture doit être sobre et brutale.
Celui qui rompt quitte les lieux du jour au lendemain en laissant seulement sur un coin de table un bout de papier.
Sur celui-ci, un seul mot suffit à décrire la raison de l’échec.
Dans mon cas, c’était entendu, je n’avais rien compris à « son ciel », le mien étant par trop prosaïque, pullulant de nuages, chahuté par d’incessantes averses.
François de la Chevalerie
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