Les manifestations à Hong-kong pouvaient-elles se répandre en Chine ?
Posté par ITgium le 17 octobre 2014
Les murmures du réseau social chinois.
Le récit de jùn mǎ (俊 马)
A cette question, au lieu de formuler des hypothèses, mieux vaut écouter les murmures de Weixin, le réseau social chinois. Je m’y suis plongé, prenant à témoin mes relations, cherchant à prendre le pouls l’opinion.
Fort de 600 millions de membres, chaque jour s’y déverse un flot incommensurable de messages, pour l’essentiel des affaires personnelles, joies et peines. Dans le nombre se glissent discrètement des sujets au contenu plus général, des thèmes délicats.
Dans les réseaux sociaux occidentaux, cette pratique est courante. Abondent les appels, les slogans, les communiqués, les groupes de soutien. Mille voix s’élèvent ensemble, approuvent ou condamnent.
En Chine, le réseau social est à son âge préhistorique en matière de communautés d’idées, de défense d’intérêts collectifs.
Et pour cause, la liberté de s’exprimer est étroitement surveillée. Longue sera encore la route avant d’en faire une agora ouverte.
Cependant, je relève des frémissements. Malgré les interdits, l’auto censure, peu à peu la parole se libère.
Longtemps proscrit, le débat sur la pollution de l’air s’invite désormais sans complexe. Depuis que l’Ambassadeur des Etats-Unis a installé des capteurs sur les toits de sa résidence, la Chine joue peu ou prou la transparence. Chaque matin, provenant de Guangzhou, Tianjin ou d’ailleurs, je reçois des tableaux sous fond noir détaillant le niveau de pollution. Chaque jour, la Chine se lève foudroyée par la présence de SO2, NOx et autres particules délétères.
Lorsque les taux sont élevés, les questions fourmillent.
Généralement, le ton est prudent : “Mais que fait on ? » « Est-ce normal ? ». Dans le mêlée, les interrogations s’affinent : “Que fait notre Mairie ? ». Dix personnes approuvent. Avec de tels niveaux de pollution, ils seraient cent mille à Paris mais le mouvement est pris.
Les frondeurs poussent plus encore la voix lorsqu’il s’agit de la sécurité alimentaire. Depuis plusieurs années, les médias officiels évoquent sans relâche des scandales. Portée par cette heureuse bénédiction, cette fois la charge est radicale. Se bousculent les incisives : « Pourquoi les Lois ne s’appliquent-elles pas ? » ; « C’est toute la section locale du parti qu’il faudrait sermonner ! » D’invisibles censeurs sont peut être à la tâche mais les filets de sécurité cèdent inexorablement.
C’est alors que surviennent les protestations des étudiants hongkongais. Je guette mon réseau, cherche l’allusion. Beaucoup répondent aux abonnés absents. Au milieu de voix étouffées, s’échappent des questionnements à peine perceptible.
Sous couvert de retrouvailles entre amis, je note que les réunions de groupe sont beaucoup nombreuses qu’à l’ordinaire. Une incidente : « Ce soir, nous avons beaucoup parlé. Par les temps qui courent, les sujets ne manquent pas ! » Une autre : « Je suis sorti hier. Un débat interminable ». Toute en délicatesse, certains tâtent le terrain : « Je pars à Hongkong demain. Je suis curieux de savoir ce qui m’attend. Le pire ? Le mieux ? » L’on s’en amuse aussi : « Je pense acheter un parapluie. Où l’utiliser ? ” ; « J’aimerais aller à un concert public. A Hongkong ? »
S’emmêlent les sujets : la pollution, les scandales sanitaires, Hong-kong. Certains s’interrogent : “Est-il heureux le monde dans lequel nous vivons ?” ; « Où en serons nous dans les années à venir ? ». Remarque plus saisissante encore : « J’ai hâte de partir à l’étranger ».
Tous ces bruissements, prudents et bien pesés, jamais virulents, ne suggèrent pas la survenance d’un vent de révolte, d’un automne chinois. Cependant une sourde inquiétude se fait croissante. Sous couvert de rencontres entre amis, les débats contradictoires fusent. Souffle doucement un besoin de comprendre, de parler et de dire les choses, en ce moment légèrement attisé par l’audace des étudiants Hongkongais.
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