Aimer une chinoise et puis s’en va
Posté par ITgium le 31 décembre 2012
Les récits de jùn mǎ 俊 马 (François de la Chevalerie)
Le conciliabule des amants, le cas Sylvie Lin Jing
Ils s’appellent Paolo, Jay, Jeoren, Bunong et René.
A eux seuls, ils jonglent avec cinq nationalités.
Cinq cœurs d’homme âpres au combat.
Au hasard de leur destin, ils ont rencontré Sylvie Lin Jing,
Leur chinoise, disent-ils de concert.
Un ange passant par là, douce lumière, ce temps heureux.
Sylvie, une belle femme lettrée et élégante.
Elle les a accompagnés chacun dans leur désir de Chine telle une ouverture sur un monde souvent méconnu.
A Londres, à Harrods, sur Brompton Road dans le quartier de Knightsbridge, ils se sont retrouvés.
Ce qu’ils disent de leur première rencontre avec Sylvie
- Je l’ai connue en un coup de vent entre deux avions, moi, m’en allant vers Atlanta, raconte Jay. Elle, vers Shanghai. Sur son seul sourire, je l’ai aussitôt aimée. Deux mois après, je rejoignais la Chine, un pays où je ne m’étais jamais rendu auparavant. J’avais dans ma sacoche une bague de fiançailles achetée chez Tiffany & Co à New-York et déjà dans ma tête l’idée du mariage à Atlantic City.
- Comme je passais devant la Fontaine de Trevi, je l’ai rencontrée, se souvient Paolo. Le regard très inspiré, elle semblait se nourrir d’une imagination invraisemblable. Que regardez vous de si beau ? ai je demandé. Anita Eckberg ! A-t-elle répondu. Je l’ai alors entrainée toute la nuit durant dans les rues de Rome.
- Elle a épousé mon regard lors d’une rencontre chez des amis à Shanghai, précise Jeoren. J’ai tout de suite senti qu’elle était prête à la plus belle aventure de la vie, l’amour.
- Une soirée sans nuage à l’ombre de la montagne Meili culminant à 6000 m d’altitude, nous avions l’œil sur Vénus, dit Bunong. Six heures à l’horloge, l’astre crâne dans le ciel ! Plus loin, Jupiter, l’œil moqueur, balayé de mille couleurs. Dans la ronde, ses filles, Europa et Ganymède. Soudain je m’élance, je m’empare de ses lèvres, doux vent de l’ouest, température clémente.
- Je suis un habitué du Renmin Gongyuan, précise René. Je cherche l’âme sœur, en vain, depuis deux ans. Finalement, j’ai souscris au service d’une sorcière maléfique du nom de Rosa, un modèle de méchanceté et d’aigreur. Pourtant grâce à ses bons soins, je l’ai rencontrée dans un restaurant de Shanxi Lu. Ma belle fée !
Puis le voile se fend.
- Complicated and nervous ring a bell, dit Jay. Un mois après mon arrivée à Shanghai, j’ai plié bagage. Je me suis installé à Pékin où j’ai vécu ensuite très heureux.
- Combien de fois depuis le premier jour de notre rencontre, raconte René, ne m’a-t-elle pas signifié qu’elle allait rompre avec moi ? Pourquoi devrais je m’investir dans une femme qui ne sait pas ce qu’elle veut, une femme qui change d’opinion quand bon lui semble ?
- La nuit tombée, sous les étoiles, commente Bu Nong, j’oubliais ses emballements, son caractère abrupt. Vous savez, le vent frais de Lijiang chasse les mauvaises ondes.
- Alors que j’étais tout doux, tout bon, se rappelle Paolo, elle me harcelait au téléphone, m’appelant cents fois dans l’heure. Je n’avais plus que ses criailleries dans ma tête, plus jamais le son du bouvreuil pivoine que j’entends depuis dans mon enfance à l’ombre des Apennins.
- Avec elle, poursuit René, j’ai souhaité maintenir une distance, telle une sorte « de service minimum ». Pas de cadeau, peu d’attention, peu de geste. Mieux vaut jauger la pièce avant de confier son âme !
- Si elle est célibataire encore à ton âge ! suppose Jeroen. C’est qu’il y a malaise en la demeure ! Je le lui ai dit. Elle m’a aussitôt giflé.
- A chaque fois que j’arrivais en retard à un rendez vous, poursuit Paolo, c’était un déferlement ! Un jour, sur le chemin de Xītáng (西塘) une petite ville chinoise située au sud de l’embouchure du Yangzi Jiang, elle a fait valser ses mains sur mon visage, me mordant aussi les mains. Je suis arrivé à destination, défiguré, les oreilles décollées.
- A chaque fois que je prenais mon élan, tout plein du désir de l’aimer, ajoute Jeoren, elle me réprimandait. Comment faire alors ?
- Avec elle, à un moment d’intense douceur peut suivre un éclat, une tornade, complète Paolo. C’est comme la mer des Sargasses, l’on vit le bonheur éternel et vient la fin du monde !
La chute
Tous à leurs souvenirs, le visage de ces hommes se noie subitement dans une profonde tristesse.
N’ont-ils pas pris conscience d’avoir manqué le coche ?
N’était-elle pas la femme tant attendue ?
Vilain paradoxe, ils se mentent à eux mêmes.
Ils l’ont bel et bien aimée.
A trop jouer, à ne pas l’accepter tel qu’elle est, ils l’ont épuisée.
Un beau jour, elle a pris la tangente sans laisser de traces.
Plus jamais, elle n’a répondu à leurs courriers, leurs cris de désespoir.
C’est ainsi quelle est faite, la Sylvie !
Femme entière, convaincue de lendemains meilleurs.
Plus jamais une Sheng nu (剩女) mais désormais une femme mariée, s’en allant vers un autre destin.
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