Les chinoises
Les récits de jùn mǎ 俊 马 (François de la Chevalerie)
(1) Le caractère des femmes chinoises au sein du couple
(2) Quelques poncifs sur le caractère des chinoises
(3) Conciliabule d’anciens amants, le trouble Sylvie Lin Jing
Avant propos
La femme chinoise deviendrait-elle, une fois mariée, une tigresse (hǔ) ?
Se transformerait-elle en un démon (mèi) ?
Même si ce mot mal prononcé s’accorde sur un tout autre sens, la messe est dite : la femme chinoise ne serait pas de composition facile.
Le caractère de la femme chinoise au sein du couple
Mari et femme, chinois tous deux.
Une union géographiquement logique mais dangereuse.
Dans les comédies chinoises, le couple est souvent dépeint de manière caricaturale.
D’un côté, un homme menant rondement ses affaires à l’extérieur mais faible, assez non chaland, parfois fuyant, à l’intérieur de la maisonnée.
De l’autre côté, une boule de feu !
Une femme au fort caractère plutôt acariâtre, souvent dominatrice et qui tient jalousement les cordons de la bourse.
Chacun vaque à ses occupations, se satisfaisant en apparence d’un étrange équilibre.
Cependant, dans l’ombre, le mari se lâche, pointe le « mauvais caractère » de sa femme.
Il fustige son goût à la domination qu’il tolère pourtant.
Terrorisé à demeure, son plus grand bonheur est de s’en aller, la nuit tombante dans un karaoké avec une bande de copains comme lui meurtris dans leur vie de couple.
Dans ces bordels, il s’en donne à cœur joie, maltraitant à la baguette de jeunes femmes, tout juste dépossédées de leur virginité.
A leur tour terrorisées, elles subissent les assauts de ces hommes adipeux, libidineux, vulgaires et la plupart du temps saoul.
Cruelle revanche !
Quand il revient tard le soir, il se glisse délicatement dans l’appartement, bientôt converge vers le lit conjugal.
Sa femme est aux aguets mais elle s’en fiche.
Elle s’en félicite plutôt car, vu les frasques de son mari, elle pourra étendre plus encore son pouvoir.
Heureuse femme chinoise qui porte la culotte !
Le temps d’un week-end, les couples s’exilent dans un palace flamboyant en périphérie de leur ville de résidence, généralement un hôtel golf.
Souvent ils s’y rendent en grappe avec d’autres amis.
Si d’aventure vous voulez connaître l’effrayante misère des couples chinois, je vous conseille cette expérience.
Jamais je n’ai été autant saisi par l’ennui, telle une guillotine me conduisant vers la mort.
Pendant ces weekends, les journées sont rythmées par des repas plantureux où pour la bonne cause, le monde des affaires n’étant jamais loin, ils invitent grassement une notoriété locale, le maire d’un commune ou le secrétaire général du parti.
Ces derniers les remercient ensuite par quelque facilité dans l’accès à un marché truqué.
Après les beuveries, les hommes jouent aux cartes, la cigarette au bec, à coup de milliers de yuans. Quant aux femmes, elles s’étirent sur des chaises, l’œil calé sur leur désormais obèse rejeton qu’elles gavent satiété.
La nuit venant, le couple se reconstruit en regardant la télévision, ce bienheureux encouragement à une vie maussade.
Plus tard, l’homme se fend d’une caresse.
Pauvre épouse, pour prix de sa domination, le corps presque inerte, elle satisfait son homme.
Quelques poncifs sur le caractère des chinoises
Deux opinions contrastées que rien ne rapproche.
L’un s’étouffe presque un dénombrant les défauts des chinoises.
L’autre, émerveillé et bouche béante, vante leurs qualités.
Duel dont il ne sortira que des poncifs, les chinoises volent désormais de leurs propres ailes, certaines brutales, d’autres douces.
Mille âmes, mille femmes.
Le premier est hargneux.
Il argumente :
La femme chinoise est capricieuse.
La femme chinoise aime que les hommes la choient comme une princesse.
La femme chinoise est arriviste.
La femme chinoise ne s’intéresse qu’à l’argent.
Les chinoises encouragent l’homme à se marier le plus vite possible
Les chinoises poussent ces mêmes hommes à acheter un appartement aussitôt.
Les femmes chinoises ne veulent pas ce qu’on leur donne mais uniquement ce qu’elles veulent !
Les femmes chinoises sont de vraies tigresses émotives !
In fine, avec les chinoises, il faudra compter avec deux scandales par semaines !
Est-ce vrai tout cela ?
Que diable !
Ce contempteur apporte une explication intéressante.
Pour lui, cet effrayant comportement serait une conséquence de l’éducation post maoïste.
Le second est bienveillant, douces ses paroles.
Les femmes chinoises sont traditionnelles, connues pour leur sens moral pur.
Les femmes chinoises savent comment s’entendre avec leur mari et le rendre heureux.
Souvent gracieuse, les femmes chinoises offrent une beauté exotique.
Héritières d’une civilisation cinq fois millénaires, les femmes chinoises sont vertueuses et sages.
Selon une métaphore répandue en Chine, une femme est douce comme l’eau, donc tendre.
La Chine étant la deuxième économie mondiale, se marier avec une Chinoise est un investissement de bon aloi.
Est-ce vrai tout cela ?
Alors, dans ce cas, gagnons immédiatement ce merveilleux rivage !
Conciliabule d’anciens amants, le trouble Sylvie Lin Jing
Qu’est-ce donc cette femme qui suscite des passions diverses ?
De quelle matière est-elle faite ?
Ils s’appellent Paolo, Jay, Jeoren, Bunong ou René.
Ils l’ont aimée.
Ils l’ont adorée.
Ce qu’ils en disent, mille ans après :
- Complicated and nervous ring a bell, dit un ancien compagnon venu en Chine pour l’épouser.
- Combien de fois depuis que je la connais, raconte René, ne m’a-t-elle pas signifié qu’elle allait rompre avec moi, presque une fois par semaine ? Pourquoi devrais je m’investir dans une femme qui ne sait pas ce qu’elle veut, une femme qui change d’opinion quand bon lui semble ?
- Je l’ai connue sous les étoiles, commente Bu Nong. La nuit étant tombée, je l’envisageais uniquement pour l’amour que je lui portais. Je ne me souvenais plus alors de ses emballements. Vous savez, le vent frais de Lijiang chasse les mauvaises ondes.
- Alors que j’étais tous doux, tous bon, se rappelle Paolo, elle me harcelait au téléphone, m’appelant cents fois dans l’heure. Deux cents, le lendemain. Trois cents, le jour suivant. Je n’avais plus que ses criailleries dans ma tête, plus jamais le son du bouvreuil pivoine que j’entendais dans mon enfance à l’ombre des Apennins.
- Avec elle, poursuit René, j’ai souhaité maintenir à son égard une distance, telle une sorte « de service minimum. Pas de cadeau, peu d’attention, peu de geste. Mieux vaut jauger la pièce avant de confier son âme !
- Si elle est célibataire encore à ton âge ! suppose Jeroen. C’est qu’il y a malaise en la demeure. Je le lui ai dit. Elle m’a aussitôt giflé.
- A chaque fois que j’arrivais en retard à un rendez vous, poursuit René, c’était un déferlement ! Un jour, sur le chemin de Xītáng (西塘) une petite ville chinoise située au sud de l’embouchure du Yangzi Jiang, elle a fait valser ses mains sur mon visage, me mordant aussi les mains. Je suis arrivé à destination, défiguré, les oreilles décollées.
- A chaque fois que je prenais mon élan, tout plein du désir de l’aimer, ajoute Jeoren, elle me réprimandait. Alors comment faire ?
- Avec elle, à un délicieux moment de douceur peut suivre un éclat, une tornade, complète Paolo. C’est comme la mer des Sargasses, l’on vit le bonheur éternel et vient la fin du monde.
Tous à leurs souvenirs, le visage de ces hommes se noie subitement dans une profonde tristesse.
N’ont-ils pas pris conscience d’avoir raté le marchepied du bonheur ?
N’était-elle pas la femme tant attendue ?
Le vilain paradoxe, c’est qu’ils se mentent à eux mêmes.
Ils sont bel et bien tombés amoureux d’elle.
A trop jouer, à trop la regarder sous tous les angles, à trop réfléchir, à ne pas l’accepter tel quel est, ils l’ont épuisé.
Et puis, un beau jour, elle a pris la tangente sans laisser de traces.
Plus jamais, elle ne répondait à leurs courriers, à leurs cris de désespoir.
C’est ainsi quelle est faite, la Sylvie !
Femme entière, convaincue de lendemains meilleurs.
Plus jamais une Sheng nu (剩女) mais désormais une femme mariée, s’en allant alors vers un autre destin.