La shanghaïenne, figure de proue de la Chine
Posté par ITgium le 9 juillet 2012
Les récits de jùn mǎ 俊 马
François de la Chevalerie
Visage rigide, sourire carnassier.
Parfois elle s’offre un sourire de convenance, habile et séducteur.
D‘une beauté aléatoire.
Plutôt d’un naturel élégant, décolleté à peine perceptible, les escarpins compensées, un sac selon les saisons. Son allure suinte le goût à l’argent.
Généralement, elle se promet une vie confortable à l’abri du besoin dans un monde souvent réduit aux apparences.
Une vie rythmée autour de promenades dans des centres commerciaux sans âme. Où dans chaque magasin des vendeurs efféminés se précipitent vers elle.
Elle raconte alors ses désirs, cuir et joaillerie. Sans attendre, elle achète des marques reconnues, emblèmes d’une richesse toute récemment acquise. Elle achète toujours au delà du nécessaire pour prouver qu’elle existe même dans la futilité.
Parfois elle est conviée à une exposition, un peintre occidental ou une relique égyptienne. Ou à un concert, violon et violoncelle. Elle s’y rend mécaniquement. Surtout une obligation. Se bouchant délicatement les oreilles, elle regarde vaguement des toiles centenaires. Elle a l’œil plutôt sur l’ombrelle d’une jeune femme supposée concurrente qu’elle déteste aussitôt.
Aux abords de la trentaine, une inquiétude la taraude. Pressée par mère et tantes, l’hymen devient son seul objectif.
Une obsession tellement maladive qu’elle en devient laide.
Guettée par de lancinantes migraines, elle consacre alors son temps à la recherche d’une proie avec laquelle elle frayera pour mettre au monde un enfant unique aussitôt confié à une lointaine belle-mère habitant les provinces reculées de l’Anhui ou du Hunan.
A Shanghai, entre femmes règne une compétition féroce dont l’échelle de valeur est la fortune de leur homme. Elles disent « leur homme » plutôt que leur amoureux. Car elles exigent de lui qu’il tienne son rang. Jamais elles ne lui reprocheront d’être édenté, imberbe ou chauve, pétant ou rotant, l’essentiel étant qu’il s’accommode de leur caractère surtout d’une soif de luxe laquelle se fera croissant avec le temps.
Pauvre homme, il n’oppose pas la moindre résistance. Songeant désespérément aux câlins de minuit, il s’incline.
Malgré tout, la shanghaienne le rudoie.
Pour tout remerciement, elle lui offre plainte et complainte.
Pourquoi ne l’a-t-il pas assez couvert de cadeaux ?
Pourquoi ne l’invite-t-il pas dans les palaces qui pullulent à la sortie Shanghai où pourtant les journées se passent autour d’un écran de télévision ou en pianotant son téléphone portable ?
Du coup, son homme est penaud. Profil bas devant sa femme, il lui laisse la monture. A force d’étouffer, de vivre sous ses cris, il se meut en androgyne. Par dépit peut être, l’air ahuri, il traine sa silhouette comme une femme mais mange comme un homme, tel un malpropre.
Le soir venant, dans des bars fraichement inaugurés où s’agglutinent des occidentaux désœuvrés, la shanghaienne savoure sa réussite, la tête emportée par l’alcool. Jonglant entre des bières exotiques, l’œil guettant ses bagues, la belle s’amuse.
Irrésistiblement, l’ennui guette.
Un ennui profond proche d’une sensation d’inexistence. Comment résoudre l’aberrante équation d’une vie banale et confortable à l‘abri d’un hermaphrodite aussi ennuyeux qu’un pneu de secours ?
Dégagée de tous soucis matériels, elle cherche alors un amant, cette fois un homme sans le sou, un gigolo australien ou un ancien marine de la 82ème division aéroportée mais qui la fera rire en lui parlant crûment de sexe devant des match du NBA, juste le temps profiter de la vie avant que sa beauté se fane.
Addendum
Puissent les occidentaux fraichement débarqués à l’aéroport de Pudong ne pas commettre l’irréparable en s’entichant d’une femme pareille. Le jour venu, ils iront quémander à leur consulat un rapatriement immédiat.
François de la Chevalerie (Junma)
Juillet 2012
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