Les catastrophes sanitaires en Chine favorisent l’émergence de la démocratie
Posté par ITgium le 6 février 2011
Beaucoup s’alarment d’une Chine sourde aux Droits de l’homme, peu sujette aux concessions, tel un mur. C’est sans compter avec l’enjeu sanitaire lequel fissure chaque jour davantage les certitudes.
Aux dommages de la pollution s’ajoutent une chaîne alimentaire au contenu chimique aléatoire, l’utilisation massive de produits reconnus comme dangereux et toxiques dans l’habitat, le non respect des règles. Longtemps galvanisés par leur enrichissement, les chinois se réveillent aujourd’hui avec la gueule de bois, certains sont malades, très malades. Derrière les façades reluisantes des gratte-ciels, des visages sont blêmes.
Mais le combat est-il seulement inégal entre des familles parfois décimées et des autorités bougonnes ? Rien n’est moins sur ! Car, dans l’ombre, bruissent les critiques. D’abord prudentes, déjà se libérant. Chaque chinois pouvant être directement touché dans sa chair, les questions fusent sans état d’âme, n’entendant qu’une seule voix, le besoin de vérité. Pourquoi la prévalence du cancer est-elle si forte dans notre ville ? Pourquoi autorise-t-on ces produits ? Pourquoi cette absence de contrôle ? Pourquoi mon fils souffre-t-il ? Bientôt résonne les pleurs d’une épouse bouleversée : « De quoi mon mari est t-il mort ? »
Forte de 450 millions d’utilisateurs, la toile chinoise révèle ces inquiétudes. Bravant la censure s’y invitent les sifflets, lâchant sans détour une troublante question : « Mais qui sont les responsables ? » Tel un refrain surgissant au hasard des forums. S’affirmant davantage après l’incendie d’une tour à Shanghai lorsque des internautes sont allés jusqu’à reconstruire méthodiquement la chaine des responsabilités offrant quelques jours seulement après le drame un rapport d’enquête complet. Se moquant des interdits, d’autres encore traquent des lois mal faites, houspillent quelques caciques.
Et c’est alors que s’élargît le débat, le dogme de la production est pris pour cible. Comme c’est le cas du barrage des trois gorges dont les sédiments contaminés s’agglutinant sur l’ouvrage ravagent non seulement l’écosystème mais condamnent son potentiel hydroélectrique. Comme c’est le cas de l’utilisation de l’amiante toujours commercialisée en Chine. «Faut-il, soupire un Internaute, que l’on dénombre des millions de morts avant que l’on s’interroge sur le maintien d’un produit qui tue !» Comble du paradoxe, d’aucuns s’étonnent d’une croissance à l’esprit capitaliste sans rapport avec une planification ordonnée. « Sont-ce ces tours construites à la va vite et l’augmentation d’un parc automobile au rythme de 10 % l’an des richesses durables ? » s’interroge un autre.
Souvent maniée par les autorités, l’arme du silence est aujourd’hui dérisoire ! Pire, son maintien sème le doute. Selon une étude conduite par l’université de Tsinghua, près de 70 % des chinois s’interrogent sur le contenu de leur assiette. Beaucoup fustigent une médecine onéreuse, parfois hasardeuse. Devant les hôpitaux pour enfants, les parents n’acceptent plus les formules de circonstance comme ce fut le cas pour le lait contaminé. Le fond de l’air est rouge.
Face à la levée de bouclier, les autorités cherchent à reprendre l’initiative. Parfois maladroitement, révélant au passage des faiblesses. Sur les 2865 bureaux de l’hygiène du pays, seuls 1100 seraient en ordre de marche, ceux-la même comptant avec un personnel peu formé. Suite à des scandales, des commissions d’enquête sont créées, des produits chimiques retirés. Chaque jour, les journaux sont submergés d’alertes sanitaires comme si la stabilité du pays ne tenait plus qu’à un fil.
Sonne l’heure démocratique ! Des décisions peuvent être bousculées, voire annulées. Pareillement chahutés, des grands projets sont amendés et des lois le seront comme en témoigne le projet de réforme de la législation sur les démolitions. Dans la mêlée, des fonctionnaires peu scrupuleux sont congédiés. Au fil des contestations, la ligne officielle s’effiloche, se disloque. Par la force des choses, désormais pragmatique, tolérant peu à peu la contradiction, le débat, reconnaissant la valeur de l’opinion, s’accommodant d’un air de liberté.
De François de la Chevalerie, publié dans les Echos (janvier 2011)
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