Polémique sur les credits carbone chinois
Posté par ITgium le 24 novembre 2010
Commentaire de Stéphane Pambrun
La Chine est une nouvelle fois pointée du doigt pour avoir détourné le mécanisme des crédits carbone mis en place par l’ONU dans le cadre du protocole de Kyoto. Plusieurs sociétés chinoises font actuellement l’objet d’une enquête. Une affaire qui tombe mal à 15 jours du sommet de Cancun.
Dix entreprises asiatiques font actuellement l’objet d’une enquête. Elles sont soupçonnées d’avoir détourné à leur profit le mécanisme des crédits carbone.
C’est l’ONG allemande CDM Watch qui avait révélé la première ce scandale en juillet dernier. Il aura fallu trois mois aux Nations unies pour se saisir de l’affaire et diligenter une enquête. Une information confirmée par l’ONU lors du sommet de Tianjin sur l’environnement au début du mois.
Selon CDM Watch, il s’agit d’une escroquerie portant sur « plusieurs milliards de dollars » : l’élimination d’un gaz « à effet de serre très puissant » et rare, le HFC-23. Ce gaz est tellement valorisé qu’il devient en effet rentable de le fabriquer simplement pour le détruire. C’est ce que ferait l’entreprise chinoise Dongyue, un fabriquant de produit chimique installé dans le Shangdong, dans l’Est de la Chine. Selon un journaliste Hongkongais, Eric Ng, du quotidien South China Morning Post, Dongyue produirait volontairement des surplus de HFC-23 pour mieux le détruire et obtenir des crédits carbones revendus ensuite à des entreprises européennes et américaines. Eric Ng affirme s’être rendu sur place au mois d’octobre et avoir constaté la dérive de visu.
Des experts mandatés par l’ONU sont actuellement en train d’enquêter sur le cas de Dongyue, mais pas seulement. Au total, dix entreprises asiatiques sont dans le collimateur, dont sept Chinoises, deux Sud-coréennes et une Indienne. Toutes ont profité du MDP en produisant puis détruisant le gaz HFC-23.
Ce gaz est aussi connu sous le nom de fluoroform . Il est 11 700 fois plus nocif que le CO2, et les infrastructures industrielles de captage et de destruction sont rapidement devenues le premier vecteur de MDP dans le monde. On estime ainsi que la moitié du milliard de tonnes d’équivalent CO2 économisé grâce aux MDP entre 2004 et 2012 proviendra de la destruction du HFC-23. Un effet d’aubaine pour de nombreuses entreprises. Le prix payé pour la destruction du gaz serait en effet jusqu’à 70 fois supérieur au coût réel de l’opération, relève ainsi CDM Watch. Interrogé, le groupe Dongyue a démenti ces accusations et attend le résultat de l’enquête onusienne. Mais il y a fort à parier que rien ne sortira avant le sommet de Cancun.
On comprend mieux dès lors la bataille qui se joue en coulisses sur ces dossiers et notamment l’acharnement de la Chine à défendre ce système des crédits carbone. Le groupe Dongyue affiche des revenus annuels de 400 millions d’euros et on le sait proche des pouvoirs politiques chinois. Par ailleurs, la Chine est en train de se lancer sur le marché du trading de crédits carbone et vient d’inaugurer à Tianjin justement sa première plateforme d’achats et de ventes de crédits. Une bourse du CO2 qui sera suivie par deux autres en Chine d’ici 2012. Un commerce lucratif dans lequel la Chine entend jouer les premiers rôles. Ce scandale, s’il est avéré, s’ajoute à celui révélé au moment du sommet de Copenhague. A l’époque, les Nations unies avaient refusé d’intégrer une dizaine de projets de parcs éoliens chinois aux mécanismes de développement propre. L’institution soupçonnaient la Chine d’avoir manipulé certains prix pour apparaître compétitifs et bénéficier de subsides internationaux.
Premier émetteur mondial de CO2, la Chine a en effet très tôt compris les avantages de ce mécanisme qui lui permet de faire financer, une partie de ses programmes de constructions de barrages hydroélectriques, de fermes éoliennes ou de destruction de gaz polluants par les pays développés. Actuellement, la Chine ne pèse que 3 à 4 milliards de dollars sur un marché total des crédits carbone de 126 milliards. Mais c’est elle qui remporte actuellement près de la moitié de l’ensemble des crédits venus des pays développés. L’Afrique, elle, n’en touche que 2 %.
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