Chine, Maghreb : kif kif pour l’Europe
Posté par ITgium le 30 avril 2009
Décidément la Chine a mauvaise presse ces temps-ci en France. La récente affaire du textile chinois du printemps dernier aux moult rebondissements a cependant connu un résultat qui laisse tout de même un drôle de goût dans les esprits. Les importations textiles du Maghreb ont en effet fortement augmenté, celles-ci ayant remplacé celles-là. Pourtant, le phénomène n’a eu droit qu’à quelques entrefilets dans la presse. Certes, notre industrie textile européenne composée de puissants lobbies, a du souci à se faire. Les chiffres des importations chinoises sont en effet édifiants. Selon les chiffres de l’Euratex, l’organisation patronale de l’industrie européenne du textile, elles auraient progressé de 46,5% en valeur atteignant 1,4 Mds de dollars (cela ne nous empêche pas nous Européens d’exporter pour 40 Mds d’euros…). Nos gouvernements sont d’autant plus attentifs que cette industrie est fortement pourvoyeuse d’emplois, à l’instar de notre industrie automobile et celle du bâtiment. Le textile européen compte en effet 2,5 Mio de salariés. Il est donc naturel de défendre notre industrie textile, dans un contexte où en France, le taux de chômage est déjà un des plus hauts d’Europe, que nos déficits sociaux sont abyssaux (plus de 12 milliards d’euros pour la sécurité sociale). Il ne s’agit donc pas de les aggraver ni de se poser la question des bénéfices pour le pouvoir d’achat du consommateur français ! La France a été défendue par les instances européennes. La pression des importations chinoises est telle que l’accord trouvé par les instances européennes cet été a été récemment remise en cause, nous laissant dubitatifs sur les autocongratulations qu’il a donné lieu au moment de sa conclusion. La mise en place de quotas destinés à protéger notre industrie en contenant les importations chinoises est paradoxale, si l’on se remémore que l’ATV (Accord sur les Textiles et les Vêtements) signé à Marrakech en 1994 dans le cadre de l’OMC visait précisément leur démantèlement en 10 ans. Le démantèlement de l’AMF (Accord MultiFibres) était connu, était prévisible mais non anticipé. La remise en cause des accords est un drôle de précédent vis-à-vis d’un pays récemment entré dans l’OMC (2001), bénéficiant donc à ce titre de l’ATV. Drôle d’exemple également que nous avons donné à travers tous les propos parfois haineux tenus à l’égard de la Chine afin de mieux servir la cause de la Constitution Européenne en pleine campagne référendaire. Les Chinois ont fort heureusement préféré une politique pragmatique, c’est-à-dire un accord plutôt qu’un affrontement sur le plan légal voire économique. Cependant, l’arbre cache la forêt. Pendant qu’en Europe, on bloque les marchandises dans les ports et pointe du doigt la forte croissance des entreprises chinoises, les entreprises du Maroc et de Tunisie peuvent continuer d’importer allègrement comme depuis 10 ans. A ce titre, il y a quelque paradoxe dans le discours de nos amis Tunisiens et Marocains dans leur pressantes incitations à l’égard des Européens à établir des quotas vis-à-vis des Chinois par solidarité à l’égard des Européens peut-être, par souci de protection de leurs exportations en Europe (34% des exportations marocaines et 43% des exportions tunisiennes) certainement. Depuis 10 ans, et c’est de bonne guerre, nous avons oublié que leurs importations ont entraîné de profonds bouleversements dans le textile Européen, en particulier français. La France a donc plus de souci à se faire vis-à-vis de nos amis du Maghreb que de nos amis chinois car le rétablissement des quotas ne va pas permettre à ses concitoyens d’accéder à des produits moins chers ni d’avoir un nouvel emploi. Le seul avantage majeur est que les emplois marocains et tunisiens vont être préservés car les importations vont pouvoir continuer en masse en toute légalité. Autre exemple de cet aveuglement, les entreprises étrangères à Paris. A Paris, l’épouvantail chinois ne doit pas faire oublier que notre première préoccupation est celle de nos amis du Maroc et de la Tunisie. Le modèle social marocain et chinois ne sont ni opposables ni enviables car ils sont tous les deux très éloignés du modèle social européen. En revanche, les entrepreneurs français seraient bien inspirés de continuer de délocaliser leur production mais plutôt en Chine qu’au Maghreb.