Le management chinois, modèle ou repoussoir
Posté par ITgium le 26 avril 2009
Hier Marionnaud, CCF et Thomson, aujourd’hui Rover et Unocal, l’entreprenariat chinois est désormais dans nos murs. Après les délocalisations, la crainte d’être managé à la chinoise ne renforcerait-elle pas davantage les peurs ?
Un retour historique s’impose. Longtemps, en Chine, l’entreprise était citoyenne. Nullement aiguillonnée par des études de marché, elle n’avait alors pas d’identité en propre. Ni entreprise publique, ni régie, plutôt le bras productif d’une idéologie politique. Centralisée, jamais rentable, dépourvue de règles comptables précises, indifférente à l’idée du profit, elle administrait un objectif plutôt qu’elle ne créait des biens. Sans compétence sur la stratégie et les investissements, l’équipe managériale assurait les charges courantes selon des méthodes mélangeant autoritarisme et discipline militaire. Chaque unité de production constituant un carré, chaque équipe une cellule.
Au début des années quatre-vingt, l’entreprise chinoise connaît une mutation en demi-teinte avec la disparition progressive du management doctrinal. Avec la mise en concurrence des parcs industriels, un nouvel objectif s’impose, le taux de croissance. A la tête de chaque entreprise publique, le Président se mue dans la figure du père, tout à la fois vénéré et craint. S’écartant de la phraséologie idéologique, le management se cale autour de règles hiérarchiques. Parallèlement, le développement des marchés publics favorise l’éclosion d’entreprises privées.
Sous les coups de butoir de l’arrivée des multinationales mais plus encore des chinois de l’étranger (Hong Kong et Taiwan), le management s’épaissit. Les règles comptables se renforcent, contrôle et reporting s’installent, la gestion des carrières apparaît. Si l’exigence du profit se profile, le droit au maintien de l’emploi n’en demeure pas moins primordial. Lors du récent différend sur le textile chinois, les autorités de Pékin ont fait valoir la priorité absolue donnée au maintien de l’emploi existant, public ou privé.
Cette même préoccupation hante les salariés européens à la perspective du rachat de leur entreprise par des intérêts étrangers. Les repreneurs chinois, maintiendront-ils l’emploi ou chercheront-ils à réduire le coût salarial ? Si les entreprises chinoises sont issues du continent (china mainland), elles ne joueront pas d’emblée sur la variable de l’emploi. Elles porteront davantage leur attention sur l’organisation, la logistique et la sous-traitance. De surcroît, elles privilégieront le court terme et le pragmatisme plutôt que la mise en œuvre de stratégie au long cours. Qui plus est, elles solliciteront des salariés un investissement plus marqué et une fidélité absolue.
Seulement voilà, en France, la législation de travail est opposable à tous. Si d’aventure, la société chinoise n’a pas la possibilité d’imposer sa culture d’entreprise, elle pourrait recourir à l’emploi ethnique en puisant dans la communauté asiatique des salariés plus aptes à comprendre les règles du jeu. Venus dans les années 50s et 70s, souvent du Cambodge ou du Vietnam, s’étant élevés à la force du poignet, les franco-chinois témoignent d’un dynamisme commercial exceptionnel. Comme le confirme le Greffe du tribunal de commerce, les entreprises détenues par des Chinois se placent désormais au quatrième rang parmi les sociétés étrangères à Paris. 65% d’entre elles ont moins de cinq ans d’existence, 48% étant présidées par des femmes. Biculturels, généralement bien formés, leur force de travail est attractive. Cependant si les entreprises chinoises veulent s’imposer dans l’hexagone, elles devront élargir la palette des compétences, recruter tous azimuts.
Dans le contexte d’un emploi raréfié en France, le bon sens veut que l’on s’adapte à chaque situation. De surcroît, la promesse du maintien de l’emploi est un gage de confiance. A priori, il n’existe pas de choc culturel frontal entre l’entreprise chinoise mondialisée et l’emploi stabilisé. Saura-t-on seulement faire abstraction d’une législation horaire par trop tatillonne, d’un cortège de règles contraignantes ? Si
la France souhaite conserver son attractivité, songera-t-elle à des accommodements ?