Le Covid-19 serait-il d’origine extraterrestre ?
Posté par ITgium le 7 août 2020
Le Club d’astronomie de Tianjin apporte une réponse lors de sa session du 28 juillet 2020.
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« Et cette alarme universelle
Est l’ouvrage d’un Moucheron »
Jean de la Fontaine
« 天马行空 tiān mǎ xíng kōng »
Tel un cheval céleste qui galope dans le ciel
Ci après, la minute de la réunion du Club d’astronomie de Tianjin sur le thème « Virus & Extraterrestre » rapportée par jùn mǎ, 11 juillet 2020
- Depuis que le monde est monde (开天辟地 kāi tiān pì dì), l’on annonce des jours meilleurs. Le Club d’astronomie de Tianjin reprend ses sessions. jùn mǎ 俊 马 nous vous attendons !
La voix grave du Professeur Zhang He retentit comme un appel à la liberté. Chaque fois qu’il m’appelle, il lance cette formule plutôt sibylline. Depuis que le monde est monde, que sait-on au juste du ciel ? Ce qu’en disait la dynastie Zhou (Zhōu Cháo 周朝, vers 1046 av. J.-C) ! Le ciel serait l’image impersonnelle et globale de l’ensemble cosmique, une sorte d’entité tutélaire abstraite régentant l’univers entier. Les Zhou disaient tenir la source de leur pouvoir d’un pacte avec le Dieu du Ciel, ce dernier embrassant rien de connu et, de surcroit, n’ayant aucune intention de se fondre, le jour venu parmi les hommes.
Après deux mois d’arrêt, le Club d’astronomie de Tianjin reprend ses activités. Voilà deux mois que je suis embastillé au 34ème étage d’un immeuble quelconque dans le quartier de Bīnhǎi Xīn Qū 滨海新区. Longtemps, j’ai été coupé du reste du monde (与世隔绝 yǔ shì gé jué).
Tout ce temps, j’ai fait vœu de silence, noyant l’épreuve dans la lecture, la réflexion. Jamais dans la méditation. Depuis toujours, je me méfie des pratiques mentales censées alléger l’esprit par temps de crise.
Ce jour de l’an 1 d’un nouveau monde, le Covid-19 ((冠状病毒 guàn zhuàng bìng dú) a été officiellement expulsé de Chine. Je peux enfin m’aventurer librement dans cette gigantesque ville de 15 millions d’habitants. Je goute au plaisir sans attendre. Dehors, l’ambiance est à la fête sous un ciel bleu, sans l’once d’un nuage. Je croise des visages joyeux, chacun tout de même bardé d’un masque. L’on me salue à tout va. « Nous sommes tous des héros », lance à la cantonade un passant. Plus loin, une femme chantonne un refrain de dèng lìjūn 邓丽君 que je reprends d’une voix murmurante. Il faut un peu de bonheur à mon âme affadie. Derrière, un voisin m’interpelle. 否极泰来 Pǐ jí tài lái, déclare-t-il, tout sourire. Je traduis : « le calme vient après la tempête ». Son épouse poursuit avec 同甘共苦 tóng gān gòng kǔ « nous sommes sur un même bateau sous le vent sous la pluie ».
C’est jour d’affluence devant le petit bâtiment abritant le département physique chimie de l’université de Tianjin (天津大学 Tianjin Peiyang Dàxué). Dans le hall d’entrée, je retrouve les membres du club d’astronomie. Tous ont répondu à l’appel. Les retrouvailles sont chaleureuses. On se salue comme si on venait de quitter les ténèbres. Chacun commente ses deux mois de confinement. « Tu as un peu forci » lâche Madame Zhao Yin en observant ma silhouette. « Un peu blanchi » ajoute Mlle Li, doctorante en chimie que certains nomment garde rouge (紅衛兵 Hóng wèi bīng) en raison de ses prises de positions radicales. Plus en retrait, Mlle Wang moque mes cheveux trop longs.
- Allons !
La voix grave du professeur Zhang He vient battre le rappel. Nous rentrons sagement dans le petit amphithéâtre du bâtiment. Le président du club d’astronomie est amaigri. Visiblement l’épreuve a durci ses traits. Pourtant, il n’a rien perdu de sa superbe. Comme toujours son autorité transcende naturellement l’atmosphère. Il prend place au milieu de la salle. D’emblée, il avertit.
- Depuis que le monde est monde (开天辟地 kāi tiān pì dì), il faut chercher à comprendre toujours avec humilité. Beaucoup a été dit sur la pneumonie de Wuhan (武汉 肺炎 wǔhàn fèiyán). Nous laisserons les virologues en déchiffrer sa nature, la trame de l’histoire. De notre côté, ouvrons une autre lucarne, celle qui nous rassemble. Depuis longtemps, nous avons l’œil sur les extraterrestres. Cent fois, nous nous sommes posés la même question. Depuis une constellation lointaine, d’étranges personnages mènent-ils la danse ? Agissent-ils dans la pénombre ? Le virus serait-il le cheval de Troie d’une stratégie au long cours ? Bien sûr, nous n’en croyons rien ! D’emblée, nous opposons un « non » catégorique et cinglant à de misérables élucubrations. Nous le disons, nous ne nous laisserons pas emporter par une rumeur ! Cependant, on le sait, l’intelligence commande de douter de tout, même d’une évidence. A ce jour, il n’existe aucun élément qui puisse suggérer l’existence d’extraterrestre. C’est là une immense peine pour nous. Nous avons cru voir dans la découverte de milliers d’exo-planètes une lueur d’espoir. Fort de télescopes puissants, nous espérions repérer une étincelle parmi les entrelacs cosmiques. Aidés de radiotélescopes, nous comptions percer le mystère d’une onde lointaine. Nous avons seulement trouvé des géantes gazeuses, incapables d’héberger la moindre vie ne serait-ce qu’une bactérie. Alors, mes amis, la partie est jouée. Fermons le ban ! Changeons de sujet ! Et c’est alors, contre toute attente, faisant fi de toute rationalité, boudant toute déontologie scientifique, mieux nous moquant de nous même, nous lâchons une supposition. Rien qu’une supposition. Convenons d’abord que l’univers est fait des éléments que nous connaissons sur Terre. Partout nous retrouvons peu ou prou le même chimisme, les mêmes lois physiques. De là, nous nous égarons volontairement. Nous imaginons que des formes exogènes, doués d’intelligence et de savoirs, gravitent dans le ciel à mille encablures. Nous ignorons tout de leur substance. Nous n’avons pas la moindre idée de toutes choses qui leur seraient essentielles. Qu’importe, l’on se contentera de rien, d’une seule supposition.
C’est ainsi que le débat a été lancé par le professeur Zhang He. Murmure embarrassé dans l’assistance. Visages troublés. Chez certains, de la gêne. Nous autres scientifiques, nous avons du mal à nous éloigner des faits dûment, triplement, prouvés. Tenus par une sacramentelle rigueur par trop passéiste, nous nous aventurons jamais au delà des choses connues. « Supposer », ce mot nous est inaudible. De plus, sa traduction est un vrai casse tête. S’agit-il d’un ressort de l’imagination (想象 xiǎng xiang) ; d’une hypothèse (假定 jiǎ ding) ; d’une prédiction (虞 yú) ou d’une preuve indirecte (情节证据 qíng jié zhèng jù) ? A notre décharge, nous manquons cruellement d’imagination. Et si d’aventure nous en avions, comment pourrions nous faire mentir la conclusion de toute une vie de travail, celle de l’astrophysicien allemand, Sebastian von Hoerner. En fin de parcours, ce dernier se fendait d’un sinistre verdict. « Trop éloignés les uns des autres, de surcroit, au nombre par trop limité, les mondes extraterrestres sont aussi en butte aux incommensurables difficultés techniques du voyage interstellaire. Du coup, aucun espoir ». C’est pourquoi l’astronomie demeure une science absconse et ennuyeuse, tout rêve étant d’emblée rejeté. Pourtant, Einstein soutenait que : « l’imagination est plus importante que la connaissance ». Tel est, du moins, l’état d’esprit de Madame Zhao Yin, une femme tout en rondeur. Elle bouscule aussitôt notre prudence. Membre fondateur du Club d’Astronomie de Tianjin, elle est connue pour son franc parler. Rien ne l’arrête surtout pas les convenances. Elle prend la parole sans attendre.
- Il serait tout de même curieux que l’univers qui compte des centaines de milliards de galaxie lesquelles abritent, chacune, des centaines de milliards d’étoiles, celles là mêmes trainant dans leur sillage leur lot de planètes se contenterait d’une seule où régnerait la vie. C’est peut être possible mais alors cela insulte mon intelligence. Faut-il vivre en se contentant d’être un mouton dans la masse 亦步亦趋 yì bù yì qū ? Vous avez raison, Professeur Zhang He, l’intelligence humaine ne doit pas être prise à défaut même au risque de divaguer. Comme je ne peux me résoudre à ne pas rêver, je me range derrière une probabilité subjective, je crois à l’hypothèse extraterrestre. Je crois en cela comme à toutes choses auxquelles je suis incapable d’apporter une réponse absolument rationnelle. Ceci dit, en affirmant cela, je n’ai pas beaucoup avancé car, comme le dit le professeur, nous ne savons rien sur eux. « Eux », je m’entends, ces inconnus faits de toutes matières possibles. Terrifiants, peut-être. Difformes, sans doute. Invisibles, encore. Quelconques, pourquoi pas ? D’eux, nous ne savons rien ou presque rien. Laissons de côté le presque rien. Faisons plutôt le choix du presque tout. Imaginons les dotés des technologies les plus avancées qui font que tout est envisageable. Et l’on sait que le plus insensé de nos rêves, c’est l’insolent projet de vivre éternellement (万古长青 wàn gǔ cháng qīng). Reconnaissons que les voyageurs de l’espace nous soient supérieurs en tous points. Ils se propulsent là où ils veulent et quand ils le souhaitent. Ils apparaissent aux quatre coins du monde en l’instant. Ils ont le don d’ubiquité. Et puis, ils disposent d’une connaissance fondamentale que nous n’avons pas. Ils connaissent notre existence par le menu. C’est alors qu’après un temps incommensurable à nous observer, ils décident d’agir. Comment ? Pourquoi ? Nous n’en saurons rien. Et c’est alors que je fais silence, preuve d’une incapacité à imaginer l’implacable dramaturgie à laquelle ils nous convient.
- Madame Zhao Yin, je ne sais pas si votre propos relève de la fatalité ou de l’enthousiasme mais, que diable, pourquoi opérer à travers un virus ? N’existe-t-il pas d’autres méthodes pour établir le contact ? Radicales si d’aventure ils nous jugent sommaires et dangereux. Utilitaires si ils conviennent que nous aurions après tout quelque utilité à devenir des esclaves ou des cobayes dans les arrières cour de leur civilisation.
Une voix surgit du fond de la salle. Se hissant difficilement sur ses jambes fragiles, le professeur Liu Wei est livide. On le sait très malade. Malgré tout, il a tenu être présent.
- On se représente l’extraterrestre sous une forme avantageuse, marmonne-t-il péniblement. On le croit plus évolué que nous le sommes, plus habile, moins brouillon. Peut-être n’existe-t-il que sous une forme primitive et rudimentaire ? Peut-être se confond-t-il avec un micro-organisme, spore d’un champignon ou simple bactérie ? Peut-être que le mal qui nous encombre dont l’épaisseur est infime 10-15 trouverait ses origines dans une lointaine planète ? Certaines circonstances aidant, il aurait été convoyé sur Terre par l’entremise d’une météorite, et sur place, il fourbit ses armes.
- Professeur Liu Wei, vous avez peut-être raison mais plus surement tort, interrompt Mlle Li, notre doctorante en chimie. Gardons nous de couvrir les arbres de fleurs ! (树上开花 shù shàng kāi huā). Méfions nous d’improbables pavillons suspendus dans les airs ! (空中楼阁 kōng zhōng lóu gé). Les virus sont aussi vieux que le monde (天长地久 tiān cháng dì jiǔ). Celui-là est de chez nous, bien de chez nous, natif de notre planète. Il a par trop les pieds sur terre ! (脚踏实地 jiǎo tà shí dì). De surcroît, il appartient à la famille des Coronavirade, ce qui n’en fait pas quelqu’un de sympathique. Une curiosité, sa coque est étonnement large. Son enveloppe virale ne laisse aucun doute sur son agressivité. Il fait bon ménage avec des vertébrés au sang chaud lesquels, bientôt contraints, le répandent par monts et vaux. Et c’est alors qu’il se met à portée de notre visage et l’étreint. Ensuite, buvant le verre de l’amitié, on se le repasse sans prendre garde. On connaît la suite de l’histoire. Il se délecte de nos négligences, de nos paresses, de nos égoïsmes.
- Selon votre opinion, coupe le professeur Zhang He, le monstre viendrait de la Terre. C’est celle-ci qui l’aurait fécondé, qui le nourrit. N’est ce pas une hypothèse par trop hâtive ? Pourquoi la nature fabriquerait-elle un tel monstre ?
Mlle Li poursuit.
- La surexploitation de la Terre, la surpopulation, les pollutions, les dérèglements climatiques, en somme la surcharge pondérale de la planète favorise l’émergence de corps délétères. Seulement voilà, pourquoi frappent-ils à un moment donné ? Il faudrait en comprendre la mécanique. Un jour, on remontera la chaine. Il n’y aura plus de surprise. La prévention chassera alors l’inédit.
- Tout cela est imprécis, fulmine le professeur Zhang He. L’on ne peut se résoudre à de l’approximation. Ou si nous sommes dans l’ignorance, nous devons envisager toutes les pistes possibles. Rien n’est alors à exclure ! Messieurs les extraterrestres, à vous de vous découvrir, s’exclame-t-il en jetant un regard par l’embrasure d’une fenêtre.
- Formons une hypothèse, s’exclame Mlle Wang, la voix sonnant comme une trompette. Si donc les extraterrestres ont connaissance de l’existence de la Terre, ils pourraient envisager de s’y aventurer. Seulement voilà, comme le signale Mlle Li, le terrain est par trop chargé. Trop de pollution. Trop de bruit. Trop d’habitants sur un territoire confiné. Trop de tout. Et surtout trop de bactéries, bacille ou cocci, qui pourraient les affecter, les emporter. Dans ce cas, mieux vaut ne pas s’y hasarder. Mieux vaut se tenir à distance. Ils la survolent la Terre de temps à autres sans jamais l’égratigner. C’est peut-être ce qu’ils ont fait durant millénaires. Ils s’amusent devant le spectacle d’une Terre jamais assagie. Ils s’étonnent d’une nature inlassablement en effervescence. Ils s’interrogent sur l’âme humaine dont ils ne comprennent guère les arcanes. Puis, un jour, vient l’appel. On ne sait ni pourquoi ni comment. L’urgence peut-être ? Leur urgence ? Notre urgence ? Une urgence qui n’en serait pas une pour nous mais pour eux si. Une urgence qui trouverait sa raison sur la Terre. Une autre qui viendrait du ciel. Ou les deux s’accommodant d’une même nécessité.
- Tout n’est pas rose dans l’univers, déclare le Professeur Zhou Moqing. Les dysfonctionnements cosmiques sont la raison de mauvaises rencontres, de drames. L’on prête généralement peu d’intérêt aux conséquences des titanesques explosions cosmiques qui se sont produites voici des centaines de millions d’années. Pourtant, le temps passant, leurs ondes néfastes rejoignent la Terre. Voilà cinq ans, une équipe internationale d’astrophysiciens repérait les stigmates d’une gigantesque conflagration[1] survenue dans un amas galactique de la constellation du serpentaire, autrement nommée Ophiuchus. Celle-ci est située à 400 millions d’années-lumière de la Terre. L’explosion a dégagé une telle puissance qu’une entaille de la taille de 15 galaxies s’est créée dans le vide sidéral. Ce serait, dit-on, le plus grand débordement cosmique dans l’espace depuis le bing bang. Quel serait l’auteur du fracas ? Un trou noir super massif d’une masse équivalente à dix millions de fois celle de notre modeste Soleil.
- Un trou noir n’est-il pas supposé aspirer toute matière, y compris la lumière ? interrompt le professeur Zhang He.
- Oui, en apparence, les trous noirs avalent gaz et poussière, ajoute le professeur Zhou Moqing. Ils créent alors un disque d’accrétion autour d’eux en la forme d’une couronne de matière tourbillonnante chauffée à des milliers de degrés. Lorsque le flux de matière à ingurgiter atteint sa limite, une partie s’en échappe sous forme de jets perpendiculaires à une vitesse presque aussi rapide que celle de la lumière. Dans le cas présent, l’un de ces jets aurait heurté un objet alentour, faisant dérailler le faisceau vers l’extérieur, provoquant alors un véritable chaos qui s’est porté jusqu’à une dizaine de milliers d’années-lumière. Toutes les planètes situées dans sa direction s’en trouvent affectées. Les plus proches du lieu de l’explosion sont rendues inertes. Aucune trace de vie ne peut s’y développer. Les plus lointaines sont sérieusement chahutées avec la dislocation de leur couche d’ozone et, dans la foulée, des extinctions massives. Du coup, selon un calcul élémentaire mais sans aucune valeur scientifique – nous nous contentons de suppositions aujourd’hui - la vie resterait possible dans 10% des galaxies. Dans les parages de celles-ci, elle se maintiendrait selon la forme rudimentaire de bactéries. Dans celles ci, un agent infectieux peut bien se faufiler dans la cellule. Un monde de virus surgit. Perdue dans une constellation quelconque, une planète virale, seulement et pathétiquement virale. Une virosphère peu ragoutante. Voilà que cette planète est agitée par des vents contraires. Bientôt laminée par des météorites. L’essentiel s’écrase. Une autre partie, infime sans doute, repart dans l’espace imbibée du venin. Voilà le virus voyageant dans l’atmosphère. Tel un cheval céleste qui galope dans le ciel (天马行空 tiān mǎ xíng kōng). Le voilà s’accommodant sur la chevelure d’une comète, composé de glace sale et de poussière. Désormais dans l’habit d’une météorite, celle-ci traverse l’atmosphère terrestre sans perdre toute sa masse. Enfin, elle se disloque au moment de l’impact à la surface. Voici 65 millions, la plus féroce jamais connue conduit à l’extinction des dinosaures. La grande majorité débarque sur Terre presque incognito, sans fracas. Elles ne tuent pas dans l’heure. Tout juste provoque-t-elle un froissement, un effleurement généralement indétectable. Cependant, il faut se méfier des apparences. Voyons cet exemple, la météorite de Murchison tombée le 28 septembre 1969 près de Melbourne. Produit d’une poussière d’étoiles voilà 7 milliards d’année, l’on examina ses entrailles, une chondrite carbonée hébergeant un alliage étonnant d’amalgames organiques : des acides aminés, des purines et des pyrimidines. L’on identifia 14 000 composés moléculaires, dont 70 acides aminés. Certes, celle-ci était inoffensive. Toutefois d’autres acheminent d’indésirable hôtes friands de vie : spores d’un champignon, bactéries ou virus. Porte paroles de la vie primitive, ces substances biologiques ont plus de probabilité d’atteindre la Terre que les formes de vie complexes et intelligentes. Le voyage est moins risqué pour celui qui n’est presque rien, qui se contente de presque rien. Bien évidemment, nous ignorons tout de la matière organique de ces visiteurs de l’espace par trop voraces. Ils cherchent le vivant – végétaux, animaux, hommes – qu’ils colonisent sans arrière pensées. Certains, faute de force immunitaire, s’affaissent. D’autres résistent. Tout s’enchaine, la pandémie s’annonce. C’est là notre insondable malheur, ces étrangers ne sont coupables de rien. Ainsi des misérables règles de l’univers. Ainsi de la vie cosmique. Ainsi du monde depuis la nuit des temps.
- Si je vous comprends bien, le virus aurait gagné nos rivages par la grâce d’un vent astral (罡风 gāng fēng) sur lequel siègent déjà les immortels (仙 xiān)[2] ? lance le professeur Zhang He. La Terre serait le réceptacle d’intrusions venues de l’espace. Pourtant Mlle Li nous a signifié que « le virus, c’est une histoire vieille comme le monde ». De quel monde s’agit-il alors ? La panspermie nous ouvre des portes. On ressasse l’idée d’une contamination extraterrestre depuis l’Antiquité. Mais, dans ce cas, il faut un enchainement, une histoire. Comment l’innommable a-t-il fait souche sur Terre ?
- Le 11 octobre 2019, une comète dénommée Atlas en l’honneur du programme Asteroid Terrestrial-Impact Last Alert System s’est invitée dans le ciel au-dessus du Nord-Est de la Chine, poursuit le professeur Liu Wei. L’astre avait été préalablement détecté dans le voisinage de notre système solaire. Au lieu de se maintenir paré d’un noyau lumineux, l’objet céleste a pris un aspect filandreux. Observé depuis la Terre, ce dernier se désarticule, de la gauche à la droite. Ce qui a été rapidement relevé c’est que cette comète présentait des similitudes avec une autre de taille plus ample C/1844 Y1 ou 1844 III. En 1844, cette dernière arpenta le ciel depuis la Guinée jusqu’au Cap de la Bonne Espérance. Toutes deux offrent des trajectoires similaires. Dès lors il est possible que Atlas soit un morceau détaché de C/1844 Y1. Celle-là même serait un fragment d’un corps céleste encore plus imposant. Une comète de cette taille s’observe tous les cinq ans. Peut-être tous les dix ans si elle est de nature exceptionnelle.
- Emmené sur Terre par Atlas, dans sa descente, le virus s’accroche à des particules organiques plus petites, plus légères lesquelles demeurent en suspension dans l’air et le gaz, complète Mlle Wang. Bientôt, elles se posent, l’on peut dire sans aucune certitude, sur la plaine alluviale de Jianghan au croisement des fleuves du Yangzi Jiang (扬子江) et du Han Jiang (汉江). Une fois dans nos murs, le virus se propage dans l’atmosphère sous forme de micros particules provenant de la poussière du sol et des embruns dans l’air. Bientôt il dévale les pentes du ciel, allant de continent en continent. Il chahute le monde des hommes sans malice. Il agit de manière indiscriminée. Il prend d’assaut une vallée, en épargne une autre. Il occupe une ville, contourne la suivante. Il tombe encore dans l’océan, pile sur un porte avion. C’est ce qui explique la présence de virus génétiquement identiques partout sur la planète. Tout cela n’a rien d’étonnant. Chaque jour, plus de 800 millions de virus se déposent par mètre carré sur Terre. Seulement voilà, dans la mêlée, se compte des monstres en puissance venus de l’au delà.
- Certes le début de la pandémie synchronisait avec le passage de la comète « Atlas », mais sa trajectoire se situait très loin de la surface terrestre, interrompt Mlle Li. Reprenez raison, mes amis ! Ce virus est une histoire terrienne et raconte beaucoup sur nous mêmes. Et si l’on en doute encore, il suffit de se souvenir que la vie engendre la vie, telle une mutation.
- Le verdict est tombé ! Passons notre chemin ! clame Mlle Li. Cependant avant de baisser le rideau, je voudrais demander à jùn mǎ son opinion. Pourra-t-il garder longtemps le silence 不言不语 bù yán bù yǔ ?
- Au lieu d’examiner des hypothèses fussent-elles pertinentes, une question préalable s’impose : sommes-nous préparés à lutter contre des catastrophes planétaires potentiellement liés à des événements d’origine spatiale ? A mon sens, nous ne sommes pas prêts ni moralement ni scientifiquement pour affronter un tel défi. Nous déjà avons trop de difficulté à nous rassembler et à agir ensemble que nous serions bien en peine d’affronter l’absolu inconnu.
- Est-il seulement indispensable d’agir ? Zhuāngzi 莊子[3] nous rapporte que le monde «n’a pas besoin d’être gouverné et que « le bon ordre résulte spontanément quand les choses sont laissées à leur cours». On s’entend. La seule qui ne changera pas c’est que tout change toujours tout le temps. Dès lors, nous nous contenterons de nous maintenir complètement ignorants (一无所知 yī wú suǒ zhī), presque insouciants.
C’est ainsi que la première session « du temps d’après » du club d’astronomie de Tianjin se conclut. Au pied du bâtiment, je demande à Mlle Li ce qu’elle pense de la couleur du ciel, ce soir là, d’une luminosité sans pareil. Ses yeux prennent un étrange éclat puis elle lâche, tout sourire : « Ne craignons ni le Ciel ni la Terre ! (天不怕地不怕 tiān bù pà dì bù pà) » De sa voix d’une douceur confondante, elle ajoute encore : « Mieux vaut avancer à grands pas en chantant à pleins poumons ! (高歌猛进 gāo gē měng) ».
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Club astronomie de Tianjin
Pour toute information : Luo Bing
Wechat. Aristotleplato - Mail. Clubastronomietianjin@gmail.com
[1] L’explosion cosmique a fait l’objet d’une publication dans The Astrophysical Journal le 27 février 2020. La découverte a été faite à l’aide de quatre outils : le télescope spatial Chandra de la Nasa, qui observe le rayonnement X ; le XMM-Newton de l’ESA, le Murchison Widefield Array (MWA) en Australie occidentale et le radiotélescope géant Metrewave (GMRT) en Inde.
[2] Enseignement du Taoïsme 道教 dào jiào
[3] Auteur probable d’un texte constitutif du taoïsme, le Classique véritable de Nanhua, (南華眞經/南华真经 Nánhuá zhēnjīng) datant du IVe siècle av. J.-C.
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